◊ Janvier 2049
◊ Lundi, 19h20
◊ @Jae Dawson

C'était un lundi soir presque comme les autres ; le soleil s'était couché et la brise fraiche caressait le visage de Cybele. Emmitouflée dans son manteau épais, la gryffondor tenait sa baguette magique au bout de laquelle, un petit faisceau lumineux était apparu. La faible lumière qui en émanait n'était cependant pas suffisante pour la tâche qui l'attendait, un ouvrage périlleux pour ceux et celles qui avaient des animaux de compagnie au tempérament tumultueux.

Cela faisait moins d'un an que la jeune anglaise s'était rendue à la Ménagerie Magique pour faire l'acquisition d'un compagnon. Après moultes recherches, son regard s'était posé sur cette minuscule boule de poils lilas, nichée dans un coin de l'échoppe. Cybele avait d'emblée été prise d'affection pour ce boursouflet qu'elle avait baptisé Orphée. Orphée portait bien son nom ; il babillait tellement que Cybele avait parfois le sentiment qu'il chantait. C'était un compagnon attachant mais affreusement désobéissant. Tout comme sa maitresse, Orphée avait le goût de l'aventure et sa témérité l'avait maintes fois fait perdre patience.

En ce lundi de janvier 2049 donc, le boursouflet de l'anglaise avait trouvé refuge dans la zone de Soins aux Créatures Magiques au grand damne de Cybele. La jeune gryffondor avait cherché dans chaque recoin : sous les tables de travail, dans des pots de fleurs vides, dans les hautes herbes, dans les buissons...Cybele avait même été jusqu'à l'appâter avec quelques araignées et cloportes qu'elle avait récupéré au pied d'un grand pin. Malgré ses efforts, Orphée n'était pas décidé à pointer le bout de son nez !

La gryffone songea à l'éventualité qu'il se trouve dans une des pièces verrouillées ; il était si débrouillard qu'il aurait aisément pu s'y faufiler. Cybele se tenait devant la grande baie vitrée mais il était impossible de voir ce qui s'y passait à l'intérieur. Mister Dawson avait scellé son bureau et il ne reviendrait - théoriquement - pas avant un moment ce qui laissait le temps à Cybele de s'y infiltrer, récupérer Orphée et rebrousser chemin vers le château ! Néanmoins, l'anglaise ne parvint pas à ouvrir la porte vitrée. Mais elle avait plus d'un tour dans sa besace. La jeune fille fouilla dans son sac à la recherche d'une épingle assez robuste pour forcer la serrure. Elle commença à tourner l'épingle dans tous les sens - à la manière des espions dans les films à suspense qu'elle regardait lorsqu'elle était plus jeune -, songeant au repas chaud qui l'attendait dans la Grande Salle une fois qu'elle aurait récupérée sa boule de poils.

« Je te tiens petit chenapan... » susurra-t-elle avec entêtement.

Les lundis étaient définitivement les pires journées de ses semaines aux yeux de Jae. Beaucoup trop chargées par rapport aux autres. Même si une fois passé, le professeur se disait à chaque fois que le plus gros était derrière lui et que c'était bien ainsi, ça n'en restait pas moins intense. Ça expliquait sans doute, en partie tout du moins, sa tête en l'air de ce soir et le fait qu'il avait oublié une pile de copie qu'il avait l'intention de corriger le lendemain dans son bureau de directeur de maison. Jae soupira longuement lorsqu'il s'en rendit compte, alors qu'il était presque arrivé au château. Sachant pertinemment qu'il n'aurait pas le courage de ressortir après avoir mangé, le métis avait finalement opté pour retourner dans son bureau de suite.

Pressant le pas, il était perdu dans ses pensées jusqu'à ce que ses yeux noirs se posent sur une silhouette devant l'entrée de son bureau. Il fronça les sourcils, se demandant d'abord ce que l'étudiante lui voulait avant de se questionner. Pourquoi restait-elle devant son bureau alors qu'il était vide de toute évidence ? Son questionnement se transforma en mécontentement en réalisant qu'elle essayait d'ouvrir la baie vitrée. « Je peux savoir ce que vous êtes en train de faire ? » Déclara d'un ton dur le professeur en arrivant à la hauteur de la jeune fille. Sa mine était fermée et sévère, tandis que ses yeux noirs exprimaient clairement qu'il attendait des explications rapidement au risque qu'il se mette vraiment en colère et colle la jeune fille.

Cybele remua son épingle dans la serrure avec empressement ; pourquoi est-ce cette tâche paraissait si simple dans les films ? Et si elle cassait la serrure ? L'anglaise se voyait déjà attirer les foudres de son professeur de soins aux créatures magiques. Toutefois, il ne pourrait théoriquement pas deviner qu'elle était l'auteur du délit et loin d'elle l'idée de se mettre dans une situation aussi embarrassante. Enfin, ça, c'était avant d'entendre la voix réprobatrice de Mister Dawson juste derrière elle... L'adolescente tressaillit en émettant un cri aigu digne d'une mandragore !

« Nom d'un chaudron, vous m'avez fait une de ses peurs ! » s'exclama-t-elle.

Elle rangea in extremis l'épingle dans la poche de sa veste. Il lui avait fichu la frousse ! L'obscurité ne lui permettait pas de distinguer correctement les traits du visage de son professeur mais elle était à peu près certaine qu'il était contrarié. Il devait s'imaginer que Cybele avait l'intention de dérober des objets de valeur ou de falsifier des notes. Les joues de la gryffondor devinrent écarlates ; quel embarras !

« Moi ? Eh bien je ne faisais qu'observer votre bureau. C'est un joli bureau que vous avez là. » déclara-t-elle. Le ton de sa voix ne laissait pas de place au doute : elle faisait une bien mauvaise menteuse.

Cybele n'osa pas lui avouer la réelle raison de sa présence ici - elle ne faisait peut-être qu'aggraver les choses cela dit - car Mister Dawson penserait surement qu'elle était négligente envers sa petite créature. Cependant, "indiscipliné" et "farceur" ne faisaient pas partie du contrat lorsqu'elle avait acheté son boursouflet.

« Mister Dawson, je vous promets que je ne faisais rien de mal. » ajouta-t-elle penaude. Elle était fatiguée de courir sans cesse après son petit compagnon, elle ne savait pas comment s'en occuper correctement mais, malgré tout, elle s'était beaucoup attachée à lui. Tous les deux adoraient explorer, partir à l'aventure... Orphée était aussi un chanteur accompli bien que parfois trop enthousiaste pour le plus grand malheur des filles du dortoir.

Le sursaut de peur de la jeune fille ne provoqua aucune réaction chez le professeur qui continuait de la toiser de son regard noir, attendant qu'elle s'explique. Si d'habitude il aurait pu se sentir un peu coupable ou au moins désolé d'avoir causé une frayeur, il n'en était rien actuellement. Car s'il n'avait pas vu l'épingle, le comportement de la gryffondor était très largement louche. Pour lui, elle essayait de pénétrer dans son bureau, seule la raison restait obscure. Essayait-elle d'obtenir le sujet du prochain devoir sur table pour tricher ? Heureusement que son bureau était fermé par la magie.

Ses yeux se plissèrent davantage lorsqu'elle reprit la parole. Il n'en croyait pas un mot et cela devait se voir sur son visage, car elle poursuivait, essayant de le convaincre vainement. Pour la faire passer aux aveux, Jae ne pouvait compter que sur lui-même sur ce coup-ci. Invoquer le directeur de la maison de l'élève poussait souvent ces derniers à avouer, sauf s'il était question de Sigmund. Cela aurait pour seul effet de la rassurer qu'elle n'aurait pas une sanction sévère. Ce dont il était hors de question pour Jae. « Si vous ne faisiez rien de mal, pourquoi étiez vous en train de regarder à l'intérieur de mon bureau, qui est de toute évident vide de ma présence ? Et je vous conseille de rapidement vous expliquer, avant que je perde patience. » Le ton était toujours froid, espérant que cela suffirait.

Malgré ses efforts pour dissimuler à son professeur la réelle raison de sa présence ici, Cybele fut contrainte de lui dire la vérité. La gryffondor craignait d'avoir une grave sanction si elle restait muette ou si elle essayait de changer de sujet.

« J'ai perdu mon boursouflet. » avoua-t-elle confuse.

Une moue déçue s'esquissa sur ses lèvres. Et s'il était arrivé quelque chose à Orphée ? S'il avait été dévoré par de viles créatures ? L'anglaise songea à toutes ces possibilités ; elle faisait une maitresse irresponsable !

« Il s'appelle Orphée. Il est mignon mais il passe son temps à fuguer et à faire des bêtises. » ajouta-t-elle.

Qui sait ce qui lui passerait par la tête la prochaine fois ? Il était aussi aventureux que Cybele, ils s'étaient très bien trouvés en réalité. À l'instar de la sorcière, Orphée était toujours partant pour vivre une petite épopée. Il accompagnait Cybele dans chacune de ses idées saugrenues.

« Je pensais qu'il était dans votre bureau et j'ai voulu le récupérer. Il est très malin vous savez ! » expliqua-t-elle. Cette histoire semblait un peu tiré par les cheveux mais c'était la vérité et elle espérait sincèrement que le professeur Dawson la croit.

Cybele n'était pas une voleuse ou une tricheuse, jamais elle n'aurait osé s'introduire dans le bureau de son professeur pour d'autres raisons. À cet instant, elle estimait qu'il s'agissait d'une situation d'urgence. Cependant, la porte était correctement verrouillée et Cybele songea alors qu'il y avait peu de chances que son petit compagnon ait réussi à se glisser dans la pièce ; retour à la case départ...

Jae fronça les sourcils en entendant la réponse de la jeune fille, se demandant si elle mentait ou si elle était sincère. Il semblait au métis que c'était plutôt le deuxième cas, mais il avait du mal à comprendre pourquoi elle cherchait son compagnon poilu dans son bureau parmi tous les endroits possibles où il aurait pu se cacher. « J'y étais il y a quelques minutes encore et je me serais rendu compte si un boursouflet s'était introduit, surtout s'il est du genre à faire des bêtises. Mais soit, vérifions. » Le ton du professeur s'était légèrement adouci bien qu'il restait suspect. Sortant sa baguette, Jae déverrouilla la baie vitrée et alluma la lumière. Il pénétra dans la petite pièce, invitant la jeune fille à le suivre, tout en demandant : « de quelle couleur est-il ? »

Malgré le désordre qui régnait sur le bureau, l'endroit était relativement bien rangé si bien qu'il ne fallut que quelques minutes pour se rendre compte qu'il n'y avait nulle trace du petit fugueur dans les parages. Prenant soin de verrouiller derrière eux la porte de son bureau, Jae posa une nouvelle question à la gryffondor alors qu'il sortait : « où l'avez vous perdu exactement ? Je pense qu'il s'était plus probable qu'il soit en train de fouiller aux abords de la cabane qui me sert de réserve à la recherche de graines qui traînent ou alors auprès des cages et enclos. » Le métis n'avait pas particulièrement envie de chercher après la créature manquante, mais cela pouvait l'éviter de se retrouver avec un désordre à ranger et vérifier que la jeune fille n'avait pas menti, il était prêt à l'accompagner en direction des enclos pour vérifier ses suppositions.