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16 févr. 2024, 00:13
 PV  Accalmie florale
JEUDI 10 DÉCEMBRE 2048, 17h
[4e Ποσειδεῶνος, Ol.706-4]
Serre Méditerranéenne, Parc
Iphis, 1ère année, 12 ans


Chant dixième de l’Odyssée homérique. Tout m’y ramène, ou tout y débute. *Le Tueur d’Argos tira du sol une herbe / et me l’offrit, non sans m’apprendre à bien la reconnaître*, je récite mentalement sans ralentir les mouvements de ma plume. *La racine en est noire, et sa fleur blanche comme lait*. L’encre s’imprime progressivement sur le parchemin. Chaque coup de plume trace les contours de la plante. Précision et méticulosité dominent. Un dessin à la plume et non au graphite ne peut risquer d’être raté sans ruiner la page de mon carnet, mais il me faut une représentation qui ne risquera pas de s’effacer. *Les dieux lui donnent le nom de μῶλυ, et les mortels / ont bien du mal à l’arracher ; mais les dieux peuvent tout*. De toute évidence, ce vers est erroné, puisque la plante en question pousse à quelques centimètres de moi, et est utilisée dans plusieurs potions. Ma main droite effleure les feuilles, sans oser les toucher réellement. Quelle beauté. Pousses sorties tout droit de la poésie archaïque. L’aède a posé les yeux, ou du moins appréhendé en songes, cette même plante que je contemple aujourd’hui. Antidote à de terribles métamorphoses. La retrouver au Château est étrange, une constante avec la maison ; Ma en a planté au Domaine. J’ai toujours passé des heures à observer la flore, et ma première lecture du Chant dixième s’était déroulée sur l’herbe du jardin, face aux plantes grecques. Poursuivre cette observation jusque dans ce lieu déracinant me permet de me sentir à l’aise. Dans cette serre, je peux oublier le bruit des élèves dehors, oublier les douleurs animant mon corps après le cours de Vol, oublier l’uniforme que je porte et le Château qui se dresse à quelques mètres, et prétendre que je suis encore chez moi. Que Ma va venir arroser une plante d’un moment à l’autre, que Jude est là et peut à tout instant me proposer de forger avec elle.

Songer à la maison laisse un goût amer dans ma bouche, et j’écarte ces pensées qui me distraient si aisément de ma tâche. Une semaine et demi, et je retrouverai le Domaine. Pour l’instant, il me faut rester concentrée sur les recherches qui peuvent être effectuées au Château. Et elles sont nombreuses. À cette heure-ci, je suis habituellement en plein travail à la bibliothèque, mais mes pensées étaient trop perturbées après le cours de Vol. Travailler sur un devoir aurait été impossible. Le dessin et la recherche botanique se sont imposés ; une solution parfaite. Entre détente et productivité. Un livre sur les plantes grecques est ouvert devant moi, juste à côté des moly, et j’ajoute des remarques et des notes sur le reste de la page au fur et à mesure que j’affine mon dessin. Dans mon carnet, la page d’à côté détaille le dictame, en un processus semblable : dessin précis à l’encre, habilement coloré au crayon par la suite, entouré d’informations extraites de livres. Tout en finalisant mon esquisse, je me balance doucement. Un léger sourire étire mes lèvres, adressé aux moly. Il est si simple de me sentir bien ici, entourée d’arbres et de plantes. Les serres sont calmes, m’offrant un instant de répit au milieu du vacarme du Château. Me mêler à la Foule quotidiennement est inévitable, et il m’est impossible de me réfugier éternellement dans les lieux isolés. Malheureusement. Si seulement je pouvais ne jamais quitter ces endroits, alterner entre bibliothèque et serres jusqu’à ce que les vacances arrivent !


@Hallie MacCruimein

premier cycle
solit[air]e

16 févr. 2024, 03:00
 PV  Accalmie florale
Hallie parcourait les couloirs du château tel un éclair échappant à la tempête. Ses pas étaient aussi rapides que furtifs, son regard vigilant scrutait chaque recoin à la recherche d'un.e professeur.oresse ou d'un.e préfet.e qui pourrait contrecarrer ses plans d'évasion. Son objectif était simple : échapper au tutorat. Ses sens en alerte, elle se glissait dans l'ombre des murs du château, empruntant des détours secrets et des passages dérobés comme une véritable artiste de l'évasion. Les pas précipités résonnaient dans les couloirs déserts, son cœur battait la chamade, et son souffle était haletant. Enfin, elle franchit le seuil des portes, laissant derrière elle le tumulte du château, pour se retrouver dans le froid hivernal. Essoufflée mais victorieuse, elle savoura ce bref instant de répit, convaincue d'avoir échappé aux obligations étouffantes des devoirs à accomplir en heure d'étude.
Y vont pas me retrouver si j'vais aux serres. La vache c'était corsé, on dirait des vrais policier.es.

Son trajet avait été ponctué de nombreuses altercations d'élèves plus grands, ainsi que par des adultes. L'un d'entre elleux l'avait même coursé lorsque la jeune fille avait tenté de prendre la poudre d'escampette après qu'elle a compris que ses explications quant à sa présence en ces lieux ne semblaient pas convaincre son interlocuteur.
Les yeux rivés sur le ciel azuré, elle ne perdit pas une minute avant de se remettre en course. Arrivée aux serres, elle prit la direction de la méditerranéenne, n'en ayant que faire de sa destination finale tant qu'elle l'écartait de la foule en charge de surveillance. Si elle arrivait à rester cachée pendant toute une heure, sans se faire surprendre, elle aurait remporté son défi journalier. La porte s'ouvrit précipitamment et donna lieu à un spectacle sans nom : une fille en uniforme, coulante de sueur et poussive. Cette dernière referma immédiatement l'entrée de la serre pour s'y appuyer quelques instants et reprendre son souffle. C'est bon, à partir de là, c'est Inshallah. La plante à Pipaillon ne portait aucune fleur, souffrant du mal de la saison. C'était à se demander laquelle des deux entités était la plus mal en point.

Elle se fraya un chemin dans une des allées florales jusqu'à surprendre une élève qui faisait dos, devant les dictames de Grèce. L'esprit de Hallie fut momentanément envahi par la panique. Si jamais l'élève en face d'elle se retournait et la découvrait, elle savait que les conséquences seraient désastreuses : elle serait irrémédiablement renvoyée à la salle d'étude, cloîtrée entre deux murs, jusqu'à ce que la faucheuse temporelle ne vienne la chercher. Perdue, elle gesticula sur place, tiraillée entre l'envie de se cacher et d'initier la conversation pour être celle qui détenait le rapport de force. Elle décida d'observer tranquillement l'élève quelques instants, avant de constater que celle-ci semblait vivre dans son propre monde, ne payant aucune attention à ses alentours pourtant bruyants. C'était d'un pas apeuré que la petite s'approcha de l'inconnue, pour se blottir derrière le bac de l'arbre à Pipaillon, les jambes repliées sur elle. Toujours semi-haletante, elle préféra engager la discussion afin d'être sûre qu'elle ne vendrait pas la mèche : le pacte allait être scellé. La main posée sur son cartable, Hallie lança à la jeune fille : « Eh, qu'est-ce que tu fais ici ? T'es pas en études comme les autres ? Même si t'es une déesse à ça, y'me semble que la présence est obligatoire ». La rouquine s'en voulu pendant un court temps d'avoir dérangé le havre de paix qui était celui de l'inconnue. Tout dégageait en elle le bonheur ; les plantes sublimaient son apparence physique, la faisant passer pour une héroïne d'aventure.
Dernière modification par Hallie MacCruimein le 17 févr. 2024, 03:27, modifié 1 fois.

16 févr. 2024, 16:32
 PV  Accalmie florale
L’interruption me détourne brusquement de ma contemplation florale. Mes balancements cessent immédiatement, et j’arrache mon regard des moly pour venir le déposer sur la nouvelle arrivante. Nouvelle observation, en plusieurs étapes. Me remémorer la voix, étonnamment familière. Scruter la silhouette se tenant derrière l’arbre, récolte minutieuse d’indices quant à l’identité et aux intentions de la présence. Face aux cheveux roux, je penche la tête. Peu d’élèves ont des mèches couleur flamme. Les filles arborant une chevelure courte sont tout aussi rares. La combination des deux mène à une déduction à laquelle j’aboutis en quelques instants. Une première année. *MacCruimein*. Son prénom m’échappe, si je l’ai un jour connu. Son visage et sa personne, eux, ne m’échappent en rien. Ce que je retiens de cette fille tient en peu de mots : pleine d’énergie. Suffisamment pour être reconnue. Parmi la Foule immense, je ne retiens après tout que les individus trop bruyants, ou ceux se démarquant par leurs aptitudes. Il me semble que MacCruimein ne se démarque en rien par ses aptitudes scolaires. Pourtant, sa vivacité est si surprenante que, couplée avec cette chevelure flamboyante, elle attire facilement le regard.

Comprendre son identité ne m’empêche pourtant pas de froncer les sourcils, envahie par l’incompréhension. En toutes autres circonstances, sa présence dans les serres ne m’aurait pas étonnée. MacCruimein semble apprécier la botanique. Aucune raison donc de lui accorder un seul regard ou de tenter de déchiffrer son attitude, si elle n’avait pas prononcé ces paroles étranges. Un instant m’est nécessaire afin d’assimiler ses propos, et les premiers mots qui m’échappent se bousculent entre mes lèvres. Précipités.


« De quoi parles-tu ? »

Vient alors l’analyse muette de ces quelques phrases m’ayant extirpée de mon havre de paix. “Étude” désigne sans aucun doute les salles de travail. Mais je n’ai aucune raison de m’y trouver, justement car trop d’élèves s’y rendent après les cours. À cette heure-ci, le jeudi, j’erre toujours entre le parc et la bibliothèque, en fonction de la nature de mes recherches. “Une déesse à ça” est source d’une perplexité infinie. Le terme choisi, du registre du divin, est sans nul doute une hyperbole, mais je ne parviens pas à déceler son sens. À quoi se rapporte-t-il ? Qu’est-ce que “ça” ?
Son intervention toute entière est une irruption violente déchirant le calme qui m’emplissait. Elle apporte avec elle une confusion me faisant vaciller, et cela devrait m’énerver. À la place, je manque de m’affoler, angoisse transparaissant dans ma voix.


« Comment ça, “présence obligatoire” ? »

En cours, je suis attentive. Lorsque les adultes sont présents, je suis attentive. Il n’y a aucune raison pour que je sois passée à côté d’une information cruciale, quand bien même j’évite tous les autres individus et me soustrais au vacarme de la Foule. Une certitude : si quelque chose était obligatoire à cette heure-ci, je le saurais. Certitude se retrouvant cependant ébranlée par l’attitude de cette fille. Maintenant que je suis consciente de sa présence, j’entends sa respiration d’ici. Elle semble en fuite. *Mais—*. Sourcils froncés, pensées perdues dans un tourbillon d’incertitudes, je tente de me calmer en ramenant brièvement mes yeux vers les moly. Retrouver ma tranquillité précédente demeure pourtant impossible. J’ai la sensation persistante d’avoir été arrachée violemment à ma bulle de songes et de recherches, pour être plongée dans le monde réel que je cherche incessamment à éviter. Ce monde où les gens sont bruyants, incompréhensibles, soumis à des obligations inutiles, et tentent constamment de me restreindre. Évoluer au Château est suffisamment complexe ; la Foule ne peut soudainement décider de dicter dans quels lieux devrais-je me trouver en dehors des périodes de cours ou de couvre-feu. Je travaille, je ne me dérobe pas au règlement. Une trop grande part de mon énergie est déjà dédiée à respecter les règles idiotes de ce Château-prison, s’il me faut me restreindre encore, je vais imploser.
Mon regard fuit de nouveau les moly qui ne peuvent plus m’apporter un quelconque réconfort, pour se fixer prudemment sur la rousse, en quête d’explications.

premier cycle
solit[air]e

17 févr. 2024, 22:38
 PV  Accalmie florale
L'inconnue semblait venir de loin, comme une étrangère au monde qui l'entoure. C'était une Iphis perdue qui l'avait accueillie, ne sachant visiblement pas quoi faire des propos évoqués par Hallie. Cette tête noire lui venait tout droit de Gryffondor ; elle n'en avait néanmoins pas le caractère au premier abord. Là où la majorité de ses congénères avait un égo surdimensionné, Iphis, elle, incarnait l'évitement pur, préférant passer ses journées en compagnie de livres, plutôt que d'interagir avec des humains. Les deux filles s'étaient déjà échangés quelques mots à la bibliothèque, lorsque Hallie cherchait l'étagère correspondante à l'étiquette. Les conversations n'avaient pas été très poussées puisque l'un s'était contenté de rendre service à l'autre. Cependant, la rouquine l'avait trouvée une fois de plus, seule, la tête dans le livre. Il n'y avait pas un chat aux mètres à la ronde, lorsque Hallie avait rompu le silence avec son exubérance. Elle ne pensa pas grand-chose de cette première rencontre, Iphis était simplement une de ces filles avec qui elle avait eu une interaction, puis l'aurait oublié. La retrouver ici était à la fois étrange et prévisible.

Sa peau matte se mit blanchir sous l'effet de la stupeur, alors que ses sourcils s'arquèrent. Au début, elle apparaissait simplement confuse, mais le désordre dans ses idées se métamorphosa rapidement en anxiété, qui la saisit aussi rapidement qu'une morsure de serpent. Avant même qu'elle ne put constater le problème, Hallie prit la parole, toujours à bout de souffle pour lui exprimer davantage d'incompréhension.
« Ben les heures d'études dirigées ! », déclara spontanément la rouquine. Constatant que cela ne semblait pas résonner dans l'esprit d'Iphis, Hallie arqua les sourcils à son tour, cherchant à saisir l'origine de leur incompréhension. Le jaune et le rouge de sa cravate lui rappela les origines de sa camarade, et la fit douter pendant l'espace d'un instant,

« ... Tu, tu connais les heures d'étude au moins ? » Elle laissa un court moment de silence, pensant qu'Iphis se saisiraient de cette chance pour lui confirmer ou infirmer cette connaissance, visiblement inexistante. Mais rien, rien ne découlait de ces lèvres garnies, scellées par le vœu de ne côtoyer aucune personne. Hallie tenta sa chance une dernière fois, avant de lui en expliquer le concept, puisqu'il ne servait à rien d'insister sur des choses qu'autrui n'avait connaissance. « C'est un temps où on t'enferme dans une pièce, scellée par la garde d'un.e personne qui travaille à l'école, puis on te bassine avec quel cours tu dois réviser... », à mesure que Hallie racontait son sombre vécu, son expression employée devint sérieuse, tandis que le ton lui était grandiloquent. « ... on vérifie chacun d'tes faits et gestes, on te scrutine de partout avec leurs yeux d'aigle là, ils jettent un sort ralentisseur de temps, et tant qu'ils ne sont pas satisfaits, t'as pas l'droit d'quitter la pièce. Aucun amusement. нуль ! » Chaque mot employé par Hallie donnait l'impression de franchir les portes des enfers ; le supplice de Hallie semblait tel le châtiment de Prométhée. En d'autres mots, interminable. La description hautement subjective de Hallie avait de quoi faire frémir n'importe quel enfant, de quoi glacer le sang de leurs veines. Celleux qui l'écoutaient ne pouvaient s'empêcher de ressentir un léger frisson dans leur échine, comme si les démons dépeints par Hallie étaient prêts à jaillir des ombres et à les envelopper dans une sombre étreinte. Elle conclut sa tirade par une simple question, candide dans sa formulation : « Vous avez pas ça à Gryffondor ? ». Si c'était le cas, elle serait prête à changer de maison. Tout le monde à Poufsouffle aimait travailler, là où s'ennuyait profondément la jeune rousse.

Elle prit une bonne minute avant de retrouver un souffle stable, et que son ton ainsi que son attitude ne puisse se poser tranquillement. Elle examina courtement la porte de la serre derrière elle, cherchant à déterminer si quelqu'un avait vendu la mèche, et lâcha un long soupir après-coup-de-stress, les paupières se fermant doucement.

18 févr. 2024, 00:10
 PV  Accalmie florale
Chaque mot renforce mon incompréhension. Oscillation corporelle enclenchée comme bouclier contre ces paroles, je reprends mes balancements. MacCruimein apporte la tempête, ses propos des vents menaçants ballottant abruptement mon esprit égaré. Je me noie dans le fracas de ses propos, vagues s’écrasant contre la falaise de mes certitudes. Heures d’études dirigées ? Une formulation étrangement familière, et pourtant jamais entendue entre ces murs. « Mais... c’est pas dans– les écoles non-magiques, ça ? » Murmure à peine audible à travers l’espace qui me sépare de la fille. Ces mots ont existé dans la bouche d’Eyphah, un jour. En un temps si lointain qu’ils ne pouvaient se rapporter au Château. Celui-ci n’était alors qu’un songe lointain, flottant entre rêve et cauchemar. P– *c’lieu* est une Prison, enserrant sa prise autour de mon corps suffoqué, mais les déambulations y sont libres, tant que le jour éclaire la pierre et que les cours ne requièrent pas notre présence. Cette description d’enfer s’échappant ses lèvres de la rousse m’est inconnue. Un supplice auquel je n’ai jamais été soumise. Des frissons s’emparent de moi à l’évocation de cette idée. Discours terrifiant, bien que ponctué d’hyperboles— je doute de l’usage de sorts ralentissants le temps, ainsi que de la capacité d’un adulte à surveiller un ensemble d’élèves dont la présence serait obligatoire. Rien d’étonnant à ces figures de style omniprésentes. MacCruimein semble fervente manieuse d’hyperboles, une fille caractérisée par un excès énergétique. Sa panique face à la torture transparaît dans sa description effrénée. *Intrigante*, je songe brièvement, tandis qu’elle assène un terme qui m’est inconnu. Lancer un mot en langue étrangère au cœur d’un discours tel que celui-ci souligne les propos. Clôt la phrase avec fermeté, résonne en échos dans l’air. Nulle nécessité de connaître la signification, bien que l’interrogation effleure mon esprit. Croiser au cœur de la Foule des individus dont la voix se rapporte à un chœur étranger tend à arracher un battement de mon cœur. Moment de surprise fascinée. Manifestation audible d’un tiraillement interne. Cette pensée qui revient, toujours ; ne suis-je donc pas la seule à être déracinée, ici ? Forcée loin de mes origines et de mon cœur qui bat pour un autre langage, pour un autre lieu, pour un autre monde.

Eparpillées, les paroles de la fille semblent revenir à un nœud commun, épicentre de son horreur. L’enfermement, l’incarcération. MacCruimein n’est pas une élève studieuse, du peu que j’ai pu observer. Mes aptitudes de compréhension d’autrui sont inexistantes, mais mon observation est affinée, et il est difficile de ne pas observer ponctuellement quelqu’un arborant son physique et son caractère. Qu’elle n’aime pas devoir travailler ne serait pas surprenant pour moi, mais la ferveur avec laquelle elle aborde ce concept d’emprisonnement horaire m’intrigue. Étudier n’a rien d’une corvée pour moi, j’y trouve un certain réconfort que d’aucuns chercheraient ailleurs. En revanche, malgré les apparences illusoires, je hais les restrictions. Le respect assidu du règlement n’est dû qu’à un refus profond de m’infliger de nouvelles règles sous forme de punitions. Tant d’entraves s’emparent de moi en ce lieu, et je les abhorre toujours plus. Au fil de mon enfance, chaque interdiction naissait d’une explication détaillée, mes mères ravies de m’offrir l’opportunité d’user de ma rationalité afin d’appréhender justement les circonstances. Ici, nombre de restrictions sont arbitraires. Toutes les évidences en ma possession penchent vers la preuve que MacCruimein et ses angoisses ne me concernent en rien, mais si j’ai tort, si une nouvelle contrainte vient rejoindre les autres...

Un geste brusque de la tête pour chasser ces pensées, et je ne lâche plus la fille du regard. S’enclenche une inspection minutieuse de ses traits, maintenant que ses mots ont été disséqués. Être celle qui observe me maintient à flot, m’empêche de sombrer au fond des vagues d’horreur.
*Je refuse d’être enfermée dans ce Château plus que je n’le suis déjà,* et la pensée est une affirmation inébranlable. Moins de terreur que de colère. Moins de colère que de détermination.

« Je n’ai jamais entendu parler de ça ici, je lance en haussant les épaules, moins pour démontrer un certain détachement que pour relâcher la tension qui m’envahit. Peut-être est-ce lié aux... maisons,par Hestia, comme je hais encore ce terme ! — ou aux notes. » En disant cela, l’évidence que j’ai des notes excellentes, contrairement à elle, surface. Aucun mépris dans ma voix, car je ne peux me permettre de juger la Foule sur les attendus qui sont fixés par l’extérieur. Là où certains échouent entre les lignes des devoirs, mes propres échecs se situent simplement dans des registres différents. « De toute façon, j’ai plus aucun travail à faire, donc pas besoin de me forcer à réviser... » Mots soufflés comme une justification, empreints des dernières traces d’angoisse à l’idée qu’on vienne m’enlever à ce havre de paix florale et m’enfermer dans une salle avec la Foule. Ce n’est pas strictement vrai, il y a toujours un monde de connaissances à acquérir et réviser, mais les devoirs assignés par les adultes ont effectivement tous été réalisés à ce jour, à l’exception des consignes données lors des cours d’aujourd’hui-même. Et même ces travaux là portent sur des domaines sur lesquels je me suis d’ores et déjà appliquée. Les plongeons dans les études sont un moyen d’acquérir du savoir, mais également d’être tranquille par la suite, de dédier mon temps précieux à mon propre monde. Aux Origines, aux plantes, aux moments de calme me permettant de reprendre mon souffle. Personne ne me dérobera cela.

premier cycle
solit[air]e

18 févr. 2024, 03:38
 PV  Accalmie florale
CW : mentions de psychophobie

Iphis se balançait bizarrement devant les yeux perplexes de la jeune rousse, qui ne put s'empêcher de la fixer par curiosité malsaine. Il y avait définitivement quelque chose qui ne tournait pas rond chez cette personne. Pourtant, les handicaps, Hallie en connaissait quelques-uns ; Lucas l'avait bien initié mais lui avait surtout appris la discrétion à ce propos. Malgré ses douleurs, son camarade d'école ne s'était jamais balancé sur lui-même, donc ce n'était pas un handicap. Une autre possibilité était tout simplement que la folie l'ait emporté : son esprit était maintenant en dissociation avec son corps, et le corps ne savait plus que faire. Aux yeux de Hallie, c'était une hypothèse tout à fait probable. La télévision se disputait régulièrement la garde de la jeune fille avec ses rivaux les livres. Tout ce que les livres ne lui apprenaient pas, Mme. Télé s'en chargeait, et ô combien elle lui apprenait des choses : le garçon tombe toujours amoureux de la fille si elle est prête à faire des concessions, si on le peut, il faut être capable de mettre des choses de côté pour réussir à accomplir ses rêves. La liste s'allongeait de jour en jour à mesure que Hallie s'abreuvait de ces inepties.

Ayant grandi dans un petit village, Hallie n'avait pas été beaucoup exposée à la différence. Les bases étaient acquises, mais du fait de son jeune âge, certaines de ses actions ou de ses propos pouvaient être perçus comme blessants. De même, elle ne possédait pas encore un esprit critique suffisant pour décoder tout le monde qui l'entourait. Une voix presque inaudible interrompit le flot de ses pensées, ce à quoi Hallie réfléchit pendant un court instant. « Tu crois que j'serais ici en train d'm'enfuir si c'tait pas vrai ? J'ai d'autres trucs à faire que d'me planquer dans une serre de botanique ! », s'exclama simplement Hallie, d'une voix absente d'animosité. « C'est bien réel, et... y sont ennuyants avec ça chez moi... c'pas juste que t'aies pas l'même trait'ment » reprit plus timidement la jeune fille. Elle regardait à présent ses Doc Martens alignées les unes à côté de l'autre, et s'amusa à faire bouger ses pieds dans d'étranges directions.

Le contact oculaire avait été rompu, désireuse de ne pas vouloir déranger l'étrange humaine. Il y avait du temps à tuer, et Hallie avait anticipé sa fuite en début de matinée, et avait en conséquence emporté son matériel de cartographie sommaire dans son cartable composé d'un simple compas, d'un crayon gris, ainsi que ses parchemins de notes. Les premières bases de botanique qu'elle avait étudiées s'avéraient être d'une grande aide. Elle se fixa pour objectif du jour de décrire les peuplements forestiers du nord de la réserve afin de pouvoir commencer à former des parcelles cadastrales. Si elle pouvait déjà séparer les peuplements forestiers en taillis, en futaie, ou des taillis avec réserve, elle marquerait une petite avancée dans son projet. Armée de son bouquin de botanique, elle commença son travail laborieux sous les yeux d'Iphis, qui après quelque temps, semblait d'ores et déjà plus sereine.

Une dizaine de minutes s'était maintenant écoulée, ponctuées par les bruissements des pages du manuel, les éclaircissements de gorge de Hallie, ainsi que les bruits environnants de la serre. Ni l'une, ni l'autre n'osa prendre la parole, étant chacune fermée telle une huitre, solide et hermétique au monde qui l'entourait. Ces dix minutes se transformèrent rapidement en vingt, jusqu'à ce que enfin, Hallie ne s'interrompe, et demanda promptement, mais poliment à Iphis : « Au fait, c'est quoi ton prénom ? J't'ai jamais d'mandé. Au final, c'est plutôt cool, je ne suis pas le seule dans la galère. Toi aussi tu sèches indirectement, donc on est le p'tit groupe d'école buissonnière ». Contrairement aux apparences, Hallie était une jeune fille intelligente et vive d'esprit qui était, il fut un temps, la meilleure de sa classe en primaire jusqu'à ce qu'elle ne se lasse rapidement et se repose sur ses acquis. Tout était encore nouveau pour elle à Poudlard, ce qui selon elle, justifiait son bulletin épouvantable de première année. Une fois qu'j'aurais pigé l'truc, ça devrait aller s'était-elle dite mentalement lors d'une séance d'étude. Fortement à la traîne comparée à d'autres camarades, Hallie ne brillait pas dans les matières magiques, préférant largement la botanique et l'astronomie aux classes de sortilège où elle savait que peu de sorts parviendraient à être lancés. Elle commençait tout juste à bien maîtriser le sort d'éclairage. « Dis, t'es forte en métamorphose ? », la questionna-t-elle soudainement, impatiente de recevoir sa réponse.

19 févr. 2024, 19:42
 PV  Accalmie florale
L’exclamation me fait froncer les sourcils, et déclenche un haussement d’épaules. Ce qui a pu faire croire à MacCruimein que je ne la croyais pas m’est inconnu ; malgré les hyperboles et la subjectivité omniprésente dans ses propos, il ne m’est pas venu à l’esprit que la fille puisse être en train de créer ce récit de toute pièce. Aucun intérêt à cela. Ce mensonge serait purement inutile. Mes hypothèses n’étaient que cela, des conclusions tirées de ma propre expérience entre ces murs. Qu’elle s’exclame ainsi me paraît inattendu, et je songe un instant aux paroles qui suivent. « Je ne pensais pas que tu mentais, » je finis par indiquer d’un ton monotone. Pourtant, je n’avais pas non plus déduit que la rousse s’était introduite dans cette serre pour se cacher. Je doute qu’il s’agisse du meilleur lieu pour disparaître loin des adultes, bien qu’il demeure adéquat pour éviter la Foule. Sa présence ici me semblait simplement naturelle. Quelques coups d’œil vers elle lors de cours de Botanique m’avaient laissée l’impression que cette discipline lui était moins désagréable que d’autres. Mon observation actuelle permet de constater qu’elle semble se désintéresser de mon existence, ce qui me convient. Nul besoin de réfléchir davantage aux règles étranges à laquelle elle semble être soumise, tandis que ma liberté demeure intacte sur ces points. Ses récits inquiétants ne me concernent pas, et ne me concerneront jamais, peu importe leur origine— les instances dans lesquelles nous sommes réparties, ou les notes parsemant notre bulletin.

Mon attention trouve alors de nouveau le chemin des moly, puisque l’autre fille a décidé d’instaurer le silence. Me voilà happée par les plantes, finissant de tracer les derniers détails et agrémentant le croquis de couleurs prudemment placées. Image miroir, moly en multiples dimensions : plante poussant sous mes yeux, motif d’épopée résonnant dans mon crâne, esquisse naissant dans mon carnet. Une satisfaction paisible m’envahit, comme toujours quand les plantes m’accueillent. Hors des cours, ces serres sont un refuge. Moins fréquentées même que la Bibliothèque, lieu de contes et de studiosité. Ignorer la présence de la rousse est une tâche complexe mais réalisable ; son corps flou aux limites de mon champ de vision m’intéresse bien moins que les plantes elles-mêmes. Difficile pourtant de me replonger pleinement dans le calme qui m’envahissait avant son arrivée, cette harmonie florale tant désirée. Entre balancements corporels et poursuite du dessin et des notes méticuleuses, une douce paix envahit mon être. Distincte cependant de l’état précédent, tant la présence de MacCruimein vacille au fond de ma conscience. Le silence entre nous bien différent de celui issu de ma solitude.

Une fois brisé par les paroles, le poids du silence s’évanouit, et je relève la tête pour observer la fille. Mes yeux se fixent sur son manuel, une certaine curiosité présente en moi ; ce livre est preuve que mes impressions n’étaient pas erronées. La Botanique est donc bien un sujet avivant son intérêt— je doute qu’elle soit ici pour travailler, vu la passion avec laquelle elle cherchait apparemment à fuir ces heures d’études. D’ici, je ne peux comprendre ce à quoi elle s’affaire, et ses propos m’empêchent de m’en préoccuper. Une grimace déforme brièvement ma bouche, avant que je ne restaure mon contrôle sur mon visage. Le terme d’école buissonnière ne m’est pas familier, mais je peux y déduire un sens négatif, associé comme il est à l’idée que je serais soi-disant ‘dans la galère.’ Je vais très bien, MacCruimein, tous mes devoirs sont réalisés et je dédie désormais mon temps à mes recherches personnelles. Personne ne me reprochera cela. Personne ne me l’a reproché depuis le début de l’année, au vu des commentaires laissés par les professeurs lors de la correction de mes devoirs. Aucune colère ne s’élève en moi à ses insinuations, mais je baigne dans l’incompréhension. Heureusement, elle pose une question à laquelle la réponse est simple. Et une autre, à laquelle à la réponse est bien plus complexe.
« Iphis Diotimē, je commence. Toi, c’est MacCruimein ? Je ne connais pas ton prénom. » Puis, le silence emplit l’air. Un instant où je spirale en pensées, incertaine. Mes songes volent vers Adaline Macbeth, vers mes recherches de métamorphose, et je finis par formuler une réponse semi-satisfaisante. « Ma théorie est impeccable. Ma pratique, tout dépend du sort... mais j’obtiens généralement des résultats corrects. Si tu as besoin d’aide, je peux sûrement être utile, même si je suis plus douée dans d’autres matières. » Étrange façon de dire que malgré mes sortilèges de transfert parfaits, et mes capacités à réparer une métamorphose échouée, je me heurte encore et toujours à un mur lorsque je tente de m’avancer aux sortilèges que nous allons bientôt étudier. Les métamorphoses m’attirent autant qu’elles ne me hantent, malgré toute ma passion et tous mes efforts.

premier cycle
solit[air]e

21 févr. 2024, 02:22
 PV  Accalmie florale
Décidément, de nombreux mystères entouraient la jeune fille androgyne : entre ses balancements incessants, son désir d'échapper aux autres, et ses réponses allant droit au but, elle était tout à fait le genre de personne auquel Hallie n'était pas habituée à côtoyer. En règle générale, la rouquine perdait trop vite patience, et s'écarter de la situation à cause de sa frustration bouillonnante. L'inconnue ne dérogerait pas à la règle ; si la rouquine venait à s'ennuyer, elle mettrait fin à la conversation et retournerait à ses affaires. Des liens se tiseraient peut-être à travers le silence des deux camarades.

Observant de temps à autre les actions de la tête noire, Hallie ne put s'empêcher de se demander pourquoi cette fille si étrange se balançait autant. Est-ce qu'elle aimait danser ? C'était ridicule, puisque comme Lucas, elle semblait souffrir de grosses douleurs de nature inconnue. Elle avait probablement une fibromyalgie danseuse, après tout, Lucas était un fibromyalgique coureur ; il adorait courir après son chien une fois par jour, même si cela lui coûtait beaucoup. Sans se rendre compte, Hallie avait fixé du regard l'inconnue pendant près d'une minute, et craignant que la Gryffondor ne se fasse de mauvaises idées, elle retourna instantanément à ses identifications.

Selon ses notes, il paraissait y avoir plus de taillis exploitables que de futaies. La zone nord comportait uniquement des taillis simples avec une légère différence de population forestière. Ainsi, elle décida de découper la zone nord en deux parcelles, puis leur donna un numéro à chacun, un et trois. Les hectares seront ajoutés plus tard, car ses notes avaient été laissées dans sa chambre à Poufsouffle. De plus, du haut de ses onze ans et malgré sa passion obsessive, la petite n'était pas encore experte dans la matière : les kilomètres, elle les maîtrisait, mais les hectares étaient beaucoup plus ardus à mesurer sans réels instruments de mesure. Or, sans argent, il était difficile d'investir. Elle avait bel et bien conscience du fait que sa première carte officielle serait encore approximative, et que de nombreux autres efforts devraient être fournies si elle voulait réaliser son rêve. Pour autant, elle n'en démentit pas, et ses yeux continuèrent à suivre assidûment les pages du manuel de botanique. Un grand silence confortable s'installa. Armée de son stylo, elle délimita les parcelles, avant que la douce inconnue ne brise le mutisme collectif pour apporter une réponse à sa dernière question.

Cette camarade, aux somptueux cheveux noirs bouclés, avait donc un nom. Lorsque celle-ci le déclara, Hallie leva les yeux en direction de la prénommée Iphis, comme pour lui donner son attention et se préparer à écouter plus de détails. A sa grande déception, aucune autre information ne fut ajoutée. D'ordinaire, les gens avaient tendance à ajouter plus de détails, quand bien même la question posée est spécifique. Cela attisa la curiosité de Hallie, qui n'avait pas l'habitude de ce genre de discussion et se retrouvait dans une position à la fois nouvelle et déconcertante. Elle mit quelque temps à formuler une réponse avant de pouvoir trouver les bons mots. « C'est pas MacCruimein ! Enfin si mais c'est mon nom de famille », commença la jeune fille, outrée et pleine d'énergie. « Mon prénom c'est Hallie. Personne m'appelle par mon nom de famille, et j'aime pas ça. Le fait pas s'il te plaît. » Son ton s'était adouci au fur et à mesure qu'elle s'exprimait, comme si elle se rendait compte que sa manière de s'exprimer était peut-être trop grossière envers une fille qui préfère le calme et la solitude. Hallie arborait une douloureuse mine attristée, dont la mélancolie se reflétait dans ses yeux fuyants et limpides. Comme pour marquer un point, elle se répéta, cette fois-ci avec détermination, espérant enfoncer le clou une dernière fois. « C'est Hallie ! »

Comprenant qu'elles avaient peut-être ouvert une brèche propice à la discussion, la petite Poufsouffle poussa des affaires personnels sur le côté près de son sac afin de consacrer son attention entière sur sa camarade Iphis. Elle profita de ce moment d'échange sur leurs matières en commun pour sortir ses vieux cahiers, dont certains contenaient des pages déchirées, signe d'une négligence profonde envers ses affaires. Hallie avait choisi deux matières : les sortilèges et la métamorphose. « Je me suis entrainée au sortilège de découpe, et ça fait 20 jours maintenant. Après le passage du prof' chelou, je me suis beaucoup améliorée, et je suis arrivée à couper mon sac à dos, regarde », c'était pleine d'entrain qu'elle lui pointa la sangle de son sac en cuir, menaçant de se rompre à tout instant. Elle qui était toute fière était oublieuse des soucis que cela engendrerait à ses parents lorsqu'elle reviendrait pour Noël, mais peu lui importait sur le moment. « Le souci c'est que j'arrive pas à couper plus qu'un brin d'herbe, du papier, ou miraculeusement, mon sac. Si on m'donne du bois, c'est finito. Est-ce que toi t'y arriverais, et t'accepterais de me montrer ? » Avant de conclure, elle avait une dernière question. Se hâtant d'arriver à la bonne page, elle pointa avec dégoût le devoir de métamorphose que Crane lui avait assigné en lui faisant des yeux de chien battu, sans pour autant ajouter de parole à ses gestes.

21 févr. 2024, 22:19
 PV  Accalmie florale
Alors que je dérive vers de lointaines contrées intérieures, où émergent des rêves flous de métamorphoses, MacCruimein s’exclame avec vigueur. Sa voix si claire repousse les songes de puissance, les théories de la matière, pour ne me laisser que les mots de cette gamine inconnue. Et outrée. Moi aussi je pourrais être outrée, MacCruimein. Quelle vivacité dans son refus ! Une grimace m’est arrachée. Les noms de famille arborent une teinte sacrée, et une distance étrange. Je les aime tant. Par leur biais j’ai appris, plus jeune, à reconnaître les corps individuels au cœur de la Foule, à les séparer en les nommant. En les reliant, aussi. Une certaine banalité habite les prénoms, ou du moins la plupart d’entre eux. Et ceux qui ne sont pas banals sont précieux, tendent à être conservés avec une douce précaution. Je ne peux les prononcer aisément, lorsqu’ils appartiennent à des inconnus. Les corps inconnus ne sont pas détachés de la Foule, pas encore. Une distinction est observable lorsque mon attention se précise, mais leurs membres et leurs mouvements appartiennent encore à la masse. Lorsque MacCruimein s’exclame, j’aperçois les sonorités qui lui sont propres, mais sa rousseur et ses paroles sont indissociables de la houle de la Foule qui me submerge. Que nous soyons seules en cet instant ne remédie pas à cela, malgré la facilité nouvelle à la saisir dans son individualité. Difficile alors de laisser mes cordes vocales vibrer sa résonance personnelle, mes lèvres former son prénom. Hallie ne veut rien dire, ne me renvoie à rien. MacCruimein dénote une lignée. Un οἶκος à part entière, qui m’est étranger mais dont la reconnaissance la place quelque part entre membre dépendant de la Foule et être réel m’étant proche. Tout comme je n’apprécie pas les inconnus s’appropriant mon prénom sans en appréhender les strates de sens, je rechigne à utiliser celui de la rousse. Aucune envie pourtant de me rebeller face à cette envie affirmée avec clarté. Nul besoin de refuser ce qui m’est demandé, quand je peux y percevoir des teintes à respecter— certains êtres orchestrent leur dissociation du Nom familial par décision ardue de se déraciner, de briser les liens, d’arracher leur corps à l’entité de la maison. Pour une enfant comme celle-ci, la possibilité d’un caprice ou d’un simple mode de fonctionnement bien distinct du mien prévale, mais je ne souhaite pas m’engager dans cette bataille. Une certaine simplicité s’impose : s’il me faut marquer des désaccords, MacCruimein sera utilisé. S’il me faut uniquement partager sans douleur mon espace d’existence avec elle, je ne l’appellerai pas. Ainsi, je me dérobe.

M’engloutit alors un déferlement de paroles, sans instant accordé à la respiration. Un changement de sujet tel me perd, mais je retrouve progressivement le fil. La métamorphose ne sera donc pas abordée ; quel dommage,
*quel soulagement*. Cet aspect de la Magie m’est encore si incertain, en vagues de douleur et douceur. Je tente d’en affiner ma perception, de l’approcher. De m’approcher. Moi et la Magie, on s’apprivoise. Et les métamorphoses sont un terrain où ce lent processus d’appréhension mutuel est terriblement visible, mis à nu. La découpe, en revanche, n’a pas a être apprivoisée. Le tranchant est en moi, ma Magie prend la forme d’une lame avec une aise renversante. Des éléments du discours me laissent confuse— “prof chelou” est une formule étrange, que je finis par rapprocher aux termes en lesquels certains étudiants désignent Charleston, mais aucun sens ne se dégage de cette idée ; le professeur de Botanique ne donne pas de cours de sortilèges offensifs. *Ah,* lente constatation. Je pense toujours Diffindo en offensive, en douleur infligée. Quelque chose au sein de cette approche me perturbe, me renvoie à une amertume, mais je refuse de prolonger ces réflexions. Un problème bien plus conséquent s’offre à moi : l’apparente incapacité de MacCruimein à lancer un sort dont la réalisation est pour moi aussi naturel que ma respiration. Quelle folie de diriger cela vers son sac ! Une nouvelle grimace. Ma réponse commence à se former quand la fille change soudainement d’attitude, me laissant désorientée. Une recherche de devoir, qu’elle contemple une fois trouvé avec un regard que je ne peux déchiffrer. Prise d’un certain malaise, je fronce les sourcils, puis passe aux réponses provoquées par ses paroles précédentes. Celles-ci, bien que confuses, laissaient apparaître une demande compréhensible.

« Diffindo n’est pas une métamorphose, je ne peux m’empêcher de noter, tant son cheminement— question sur cette matière puis dérive vers un sort appartenant à un autre aspect de la magie— me paraît étrange. Mais il fait partie des sorts que je maitrise le mieux. » Pause, puis clarification. « Je peux t’aider. » Mes yeux explorent nos alentours, incertains. Une serre est un lieu risqué pour un tel entrainement. Si la fille ne se débrouille pas bien, une plante pourrait involontairement devenir cible. Ces pensées prennent une seconde pour être mises en mots, puis je les vocalise, d’un ton neutre. « Pour la pratique, il faudra nous retrouver dans un lieu plus adapté. Pour ne pas qu’une plante soit victime d’un sort égaré. » Alors, mon attention tombe de nouveau sur le devoir ouvert, celui-ci me paraissant familier. Métamorphoses, je réalise. S’inscrivant donc dans une suite logique en lien avec sa première question, et laissant Diffindo comme sujet à part. J’hésite. « La théorie, c’est mon point fort dans toutes les matières. As-tu besoin d’aide à ce propos ? » Offre naissant d’une curiosité grandissante plus que d’une bienveillance que je possèderais. La rousse attire l’œil, attire les pensées. Autant lui accorder mon attention pour un temps donné, avant de m’en détourner. Il y a du potentiel derrière ce manuel de botanique et ces notes ressemblant étrangement à de la cartographie. Ce n’est pas bien complexe à discerner. Il y a du potentiel à révéler chez Hallie MacCruimein, et j’espère sincèrement qu’elle ne me fera pas regretter de lui offrir mon aide.

premier cycle
solit[air]e

26 févr. 2024, 01:38
 PV  Accalmie florale
La proposition d'Iphis lui vint comme un cadeau de Noël, et lui décrocha un immense sourire. C'était l'une des premières fois qu'elle pourrait s'entrainer avec une camarade à la sorcellerie. Elle avait jusqu'à maintenant performé ses sorts en classe, et seule en cachette, tentant désespérément de rattraper le retard sur ses camarades. Obstinée, elle était persuadée qu'elle ne trouverait pas la réponse dans les manuels. De cette manière, ses progrès furent lents et parcimonés.
« Oui ! Comme tu dis, on pourrait sortir de là et s'entraîner ailleurs. Mon objectif de fin d'année ça s'rait de couper du bois. T'imagines à quel point ça s'rait classe ? Bûcheronne avant l'heure et tout ! ». Hallie commençait à s'agiter sur place, faisant des grands mouvements de bras d'excitation comme si cela l'aiderait à mieux expliquer ses propos. Elle s'était tant emportée qu'elle en oublia son devoir de métamorphose, qui avait atterri dans un pot de Moly. De toute façon, elle n'était pas une flèche en métamorphose et le simple fait de transformer un objet pour elle venait d'une autre dimension. Et puis, pour ce devoir, il lui aurait fallu faire des recherches, et rédiger un long et interminable rapport. La pratique, ça, ça lui parlait plus.

« Oublie la méta ! J'demandrais à Violet ce soir ! , s'exclama la rouquine. Tu veux pas plutôt v'nir taper du bois ? » À ces mots, elle lui tendit la main, invitation à la clef, et regarda la belle Iphis droit dans les yeux. Cette dernière lui avait pourtant bien fait comprendre que la théorie était tout pour elle, mais cela lui était très vite ressorti par une oreille. Dans sa honte, Hallie se disait qu'il serait amusant d'avoir deux sorcières plus ou moins bonnes qui s'entraîneraient ensemble. Son invitation pouvait également s'interpréter comme un défi : Iphis ayant affirmé qu'elle maîtrisait bien ce sort, Hallie était intéressée de découvrir à quel point... Elle comptait également lui demander d'où venaient ses balancements et pourquoi elle les faisait.