<<PRÉCÉDEMENT

Le menton haut, les yeux fixés au loin Marine envoyait son pied droit en avant pour glisser sur son patin avant d'envoyer le pied gauche mais du coin de l'œil elle repéra un Ernest à l'arrêt. Le temps que l'information fasse son chemin et le visage de la lionne affichait toute son incompréhension alors que ses pieds tentaient une nouvelle technique quelque peu folklorique pour se freiner. Les pieds dans une position chasse-neige douteuse ne lui faisaient pas perdre assez de vitesse à son goût alors elle s'était mise à lever un pied puis l'autre comme pour marcher sur place mais la lame du patin étant bien fine elle tanguait de toute part et devait changer de pied rapidement pour ne pas s'étaler sur la glace. Elle offrit ce spectacle, début de danse endiablée quelques secondes avant de finalement parvenir à s'arrêter rouge de honte, avec cette nouvelle vision du patinage elle n'avait pas dû passer inaperçue, elle sentait les piques des jugements imaginaires lui transpercer la peau.

La question d'Ernest l'arracha à son monde intérieur inquiétant et lui donna explication sur ce changement de décision brusque que l'anglaise ne pouvait pas encore se permettre quand elle était montée sur patins.
- Je... euh... Non j'connais pas. Enfin il m'semble pas. Fit la lionne en plissant les yeux pour tâcher de capter quelques détails qui auraient pu infirmer ses premières impressions.
Le vert et argent semblait soudain très refroidi à l'idée de rejoindre la jeune rousse et Marine pouvait le comprendre, elle aussi n'avait que trop rarement le courage de débarquer quand quelqu'un tenait déjà compagnie à un ami à elle, le risque de déranger était trop grand et quand en plus il était question d'un inconnu...

Mais aussi vite que cette personne était venu les freiner dans leur élan, aussi vite le discours entre ces deux élèves s'était terminé ce qui redonna du courage au Serpentard entraînant une quatrième année hésitante sur les patins dans son sillon. Aussitôt arrivés aussitôt Ernest entama les présentations.
- Coucou. Salua timidement la brunette qui hésita un instant à répondre à la place d'Eileen qu'elles s'étaient déjà croisées quelques fois ce mois-ci, mais le fait qu'il ait posé la question à l'aiglonne et non à elle la freina : ce n'était pas poli de répondre à la place de quelqu'un d'autre alors elle glissa dans sa discrétion habituelle.
@Eileen O'Brien, @Ernest Stevens on est reparti !

La conversation qu'elle venait d'avoir s'était rapidement interrompu. Elowen et son amie étaient toutes deux discrètes et très attachées à leur propre monde. L'irlandaise ne s'en formalisa pas car ceux qu'elle attendait la rejoignirent bientôt. Deux personnes qu'elle était tellement chanceuse de connaitre !

Ernest bien sûr. Son cœur bondissait rien qu'à l'énonciation de son prénom. Elle appréciait particulièrement le garçon qu'elle voyait en cours bien sûr et qu'elle rencontrait aussi de plus en plus fréquemment en dehors de la salle de classe pour son plus grand plaisir.
Ils étaient passés à côté l'un de l'autre pendant presque la première année de leur scolarité à Poudlard. Heureusement, un échange à la bibliothèque avait tout changé, renforcé par une discussion dans les tribunes et un été enchanteur.
Le retour à Poudlard avait éloigné les deux jeunes gens mais pas pour longtemps. Eileen ne pouvait pas se séparer de son nouvel ami trop de temps ! Il fallait dire aussi qu'Etan avait ajouté à leur duo une touche particulière qui les avait lié encore plus.

Et Marine.
Elle l'avait rencontré officiellement au début du mois lorsqu'Erin, sa camarade de maison, avait reçu une nouvelle bouleversante lors d'un petit déjeuner qui avait failli mettre l'irlandaise en retard à son premier cours du matin.
Elles s'étaient ensuite recroisées lors d'une récupération épique de lacets dans les couloirs, sans véritablement échanger puis avaient, à l'invitation de Constance, discuté autour d'un jeu de "vérité-dragée" avant de retrouver des marches transformées en piano nécessitant de résoudre l'énigme avant de pouvoir emprunter l'escalier.
Elles n'avaient jamais vraiment discuté mais la rouquine sentait sous la carapace de timidité un cœur grand comme ça et une jeune fille qu'elle aimerait compter parmi ses amies.

Les retrouver amena très rapidement un sourire à ses lèvres. Elle les appréciait tous deux et ne s'étonnait pas qu'ils se connaissent. Leur timidité avait pu les rapprocher.

Elle répondit à Ernest :
- "Bonjour Ernest, oui, ca va bien et toi ?"

Puis tournant son regard avec son aînée :
- "Hey Marine, bonjour ! Ca va ?"

Puis elle enchaina très rapidement pour rappeler le moment aux deux jeunes gens :
- "On s'était déjà vu face aux marches transformées au piano tous les trois il y a quelques jours... mais je ne savais pas que vous vous connaissiez... "
Elle avait alors cru à une sorte de concours de circonstances sans s'imaginer que les personnes présentes ce jour-là se connaissaient pratiquement toutes.

Changeant de sujet, elle évoqua leur talent sur la glace :
- "Dis donc, vous vous débrouillez super bien avec des patins ! J'ose pas, j'ai peur de me faire mal... Vous pourriez me montrer ? Me donner un cours si ca vous dérange pas ?"

Ernest n’avait pas de doute que malgré la timidité de Marine, l’assurance et la bienveillance d’Eileen jouerait de leur magie de la même manière qu’elles l’avaient joué avec lui. Dans son petit microcosme à Poudlard, elles devenaient toutes les deux des personnes importantes dans son quotidien et l’idée qu’elles se rencontrent était une manière de combiner les pièces de son propre puzzle. L’adolescent avait toujours eu besoin d’harmonie et dans son idéal, tout s’imbriquerait un jour parfaitement.

Et s’il était toujours enthousiaste à l’idée de passer du temps avec Eileen, quelque chose le rendait plus timoré ces derniers temps. Il ne savait pas vraiment l’expliquer. La présence de Marine avait quelque chose de rassurant Peut-être parce qu’elle était aussi introvertie que lui et qu’ils partageaient la difficulté de communiquer avec les autres. Pourtant, les sourires que lui offrait la rouquine étaient toujours une grande source de contentement. Et lui de lui sourire en retour, de ce sourire timide et légèrement gêné qui était probablement sa marque de fabrique.

“Ça… ça va…”

Les premiers échanges étaient hésitants, mais c’était sans compter sur Eileen et sa confiance en elle. Elle avait toujours quelque chose à dire et s’intéressait à tout et à tout le monde. Sa générosité était débordante.

“C’est vrai que c’était un mois de décembre un peu bizarre…”

Des phénomènes étranges s’étaient multipliés dans les couloirs du château. De nature curieuse, le gamin n’avait pourtant pas cherché à savoir ce qui causait ces phénomènes même s’il avait tenté d’en expliquer certains.

“Euh… Marine et moi, on… s’entraîne… aux duels depuis l’an dernier… enfin… on fait pas parti du club ou quoi…”

Il adressa un regard à la Gryffondor, cherchant son approbation dans la manière dont il avait décrit leur relation. Ernest n’avait participé qu’à un duel dont le bilan était relatif. Il était loin des résultats qu’avaient pu obtenir sa mère de son temps. Et malgré son intérêt déclinant pour la Défense Contre les Forces du Mal, il était toujours déterminé à exceller dans cette matière.

Ernest s’approcha un peu du bord et d’Eileen et tendit ses mains en direction de la jeune fille pour l’inviter à le rejoindre sur la glace.

“Viens, c’est pas tellement compliqué…”

- Ça... va, va aussi, merci ! Répondit-elle à la rouquine qui mentionna ensuite le mauvais tour lancé aux escaliers.
Comme l'avait très bien dit Ernest il se passait des choses étranges cette année, une grande première ! Poudlard en avait connu des évènements pourtant aucun n'avait été de ce genre là. Ces lutins étaient-ils le nouvel instrument dernier cri pour faire des farces en continu ou bien était-ce plus complexe ? Marine songeait quelques fois à une possible explication à tout ça comme une sorte de passe temps quand elle s'ennuyait, les possibilités étant multiples et toutes aussi plausibles les unes que les autres ce passe temps était presque inépuisable tant qu'on avait de nouvelles idées qui venaient germer dans son esprit.

Puis se fut le brun qui expliqua d'où ils se connaissaient, captant un regard de la part du garçon la lionne hocha la tête avec un sourire timide. Oui, c'était un bon résumé de leur relation principalement forgée autour de leur intérêt commun pour les duels et leur timidité qui les avaient menés à s'entraîner tous les deux plutôt qu'au club de duel sous les yeux de tous les élèves qui profitaient eux aussi de l'opportunité parfaite du club de pouvoir pratiquer la magie encadrés par un adulte qui pouvait certainement aider ou donner des conseils du moins c'est ce qu'imaginait la Gryffonne.

Pour ce qui était des conseils patins la rouge et or laissa Ernest gérer, c'était lui le pro. De son côté l'anglaise ne se trouvait pas concernée par le compliment, son seul mérite était de parvenir à tenir debout sur les lames malgré ses nombreuses pertes d'équilibres, pour le reste c'était assez bancal, Eileen n'avait pas dû voir le rattrapage in extrémis avant qu'ils ne la rejoignent et c'était tant mieux ! C'est que la patinage n'était pas si simple que ça contrairement à ce que disait Ernest, il y a tellement de choses à prendre en compte que comme toute activité les débuts son compliqués. Incapables de conseiller l'aiglonne la rouge et or préféra rester silencieuse à observer et suivre les deux adolescents laissant Eileen se faire guider par son camarade de promotion.

Heureuse d'apprendre que les deux jeunes gens allaient bien, Eileen leur offrit un sourire. Elle aimait que son entourage aille bien même si elle se rendait compte parfois sous certaines affirmations positives que cela cachait autre chose. L'empathie avait des bons côtés mais parfois elle s'inquiétait lorsqu'elle ne trouvait pas la cause des problèmes et ne parvenait à trouver une façon d'aider. Elle avait bien sûr dû apprendre le lâcher prise car tout le monde ne voulait pas d'aide. Cette situation la faisait tout de même souffrir malgré elle. Le lâcher prise, ce n'était pas si facile !

En tout cas, les réponses qu'elle reçut alors lui semblait sincères. C'était toujours ça de pris ! Elle savait Ernest torturé, sans se douter qu'au delà des difficultés qu'il rencontrait à cause de sa confiance en lui, sommeillait en lui l'adolescent. Ce côté quelque peu rebelle qui pouvait ruer dans les brancards.
Marine elle était d'un naturel sensible, c'était visible. Mais aucun côté rebelle ne se dessinait, la torture qu'elle vivait tenait principalement à son caractère timide.
A bien y réfléchir, chacun vivait sa propre torture, bien que ce terme soit peut-être un peu fort. Qui à leur âge pouvait se vanter d'être parfaitement épanoui ?

Ainsi donc, ils se connaissaient car ils s'entrainent aux duels ensemble. Cette information fit écho en la jeune fille sans qu'elle ne parvienne à identifier d'où cela venait. Etait-ce qu'elle avait vu la Lionne pendant le duel d'Ernest le mois précédent ? Ou était-ce autre chose ? Cela démangeait son esprit. Elle prendrait le temps d'y réfléchir plus tard...

"Pas tellement compliqué" avait-il dit ? Il en avait de bonne ! Après s'être chaussée, elle s'était péniblement mise debout sur les patins et chancelait dangereusement. Quelle idée franchement de marcher sur deux bouts si fins de métal ? Toutefois, elle fut encouragée et ne voulait pas repousser la gentille proposition d'aide. Tant bien que mal, elle parvint à mettre un pied sur la glace tout en s'accrochant vigoureusement au premier bras venu - celui d'Ernest ! Fallait-il le spécifier ? Elle sentait combien c'était lui qu'elle touchait et eut du mal à se recentrer : pourquoi était-elle là déjà ?

Rapidement, son esprit la remit dans la réalité. Et peu à peu, ses deux pieds maladroits furent sur la glace. Elle n'osait pas bouger, cramponnée au bras salvateur, les fesses légèrement en arrière, comme si le moindre mouvement allait la propulser les fesses en l'air.
- "Heu..." lâcha-t-elle inquiète "Et après ?"

Elle était perdue et avait visiblement besoin d'explication ! Elle se doutait que sa posture n'était pas des plus seyantes. Elle tentait de se mettre droite, faillit tomber et après un petit numéro d'équilibriste qui la vit lever le pied plus haut qu'elle n'aurait dû, arriva ce qu'il devait : ses fesses saluèrent le sol en une lourde chute.

Elle se mit alors à rire d'elle-même et de la situation. Elle devait probablement offrir un spectacle clownesque. Au moins, ne s'était-elle pas fait mal en tombant.
- "Pas tellement compliqué, hein !?" réussit-elle à hoqueter entre deux rires.

Lorsqu'elle se fut calmée, elle demanda :
- "Vous pouvez m'aider à me relever s'il vous plait ? Je crois que je ne pourrais pas le faire toute seule..."

Puis, elle lança un regard franc à ses amis avec une petite moue :
- "Je suis désolée de vous imposer ça !"

En sentant la main d’Eileen agripper son bras, Ernest déglutit, légèrement confus alors même que c’était lui qui avait tendu ses mains pour lui proposer son aide. À nouveau, elle était dans son espace et cette promiscuité lui donnait chaud malgré les températures fraîches de l’hiver. Probablement qu’il devait couver quelque chose. Il ne savait plus où poser son regard, n’osant ni croiser celui d’Eileen, ni celui de Marine. Comme si son malaise était écrit en grosses lettres peinturlurées sur son visage.

Pour Ernest, il était difficile d’expliquer quelque chose qui coulait de source. Pour lui, patiner était un jeu d’enfant au sens propre comme au sens figuré. Il ne se souvenait pas de la première fois que sa mère l’avait mis sur des patins. C’était juste naturel. Un peu comme de respirer. Comment est-ce qu’on expliquait à quelqu’un comment on respire ? Plongé dans sa réflexion, il ne fut pas assez rapide pour éviter à Eileen la chute. Encore plus rouge que d’ordinaire, il se précipita vers elle pour l’aider.

“Ça va ? T’as rien ?”

Son rire cristallin le rassura et leva légèrement le poids de la responsabilité de ses épaules. Tomber, ce n’était pas si grave. Ça lui arrivait aussi de temps à autre malgré ses facilités. Enfin, tant qu’on ne se faisait pas mal. Il tendit une nouvelle fois sa main à la demoiselle et la tira vers lui, non sans vaciller légèrement. Ernest avait mis toute sa force et dans l’élan, Eileen se retrouva projeté dans ses bras. Le gamin se raidit et n’osa plus bouger pendant quelques secondes avant de finalement s’écarter un peu brusquement.

“Nan, nan… c’est… pas grave… ça arrive… Euh… mais… si vous préférez, on peut aussi quitter le lac et aller prendre un goûter…”

Peut-être que tout le monde serait bien plus à l’aise les deux pieds sur la terre ferme. Il adressa un coup d'œil interrogateur à Marine en haussant les épaules. Comme un besoin d’approbation à toute décision. Peut-être aussi une manière de se rassurer. Sa relation avec Eileen semblait évoluer sans qu’il n’en comprenne vraiment la direction et la présence de son amie, bien plus âgée avec quelque chose d’un peu réconfortant.

Ernest prit les choses en main guidant la rouquine sur la glace, elle aussi ne semblait pas vraiment à l'aise montée sur patin. Comme toute chose il fallait de la pratique pour trouver son équilibre et comprendre le principe avant d'ajouter un peu de fantaisie et de difficultés. Eileen en bonne novice était à la première étape, celle consistant à trouver l'équilibre sur deux lames si fines qu'on doutait facilement de la possibilité à tenir uniquement sur deux si petits appuis. Tout comme nous avons appris à marcher en chutant l'aiglonne commençait son apprentissage du patin en chutant aussi sauf que chuter sur la glace c'était différent de chuter sur l'herbe qui à côté était d'un confort sans pareil.

En la voyant tomber la Gryffonne ouvrit grand les yeux, surprise, inquiète, elle craignait que la deuxième année se blesse. Mais en atterrissant rudement sur la glace au lieu de pousser un cri elle se mit à rire. Le soulagement était visible sur le visage de l'adolescente qui s'était rapprochée dans une tentative désespérée de pouvoir agir sur la chute de la plus jeune. Sa remarque entraîna l'anglaise qui se mit elle aussi à rire timidement :
- J'suis bien d'... d'accord ! Renchéri la rouge et or qui s'approcha de la sorcière alors qu'elle demandait de l'aide pour se relever.
Trop rapide le vert argent l'avait déjà remise sur pied alors que la Gryffondor arrivait tout juste à la hauteur de la bleu et bronze le bras tendu.

Marine capta le regard d'Ernest suivant sa proposition. La brunette n'était étonnement pas contre un petit quelque chose à se mettre sous la dent, le patin lui avait ouvert l'appétit. Aussi hocha-t-elle discrètement la tête en approbation ayant le sentiment que le garçon cherchait par ce regard à se rassurer sur son initiative. Elle formula aussi tout haut :
- Pour, pourquoi pas !
Même si au fond la lionne n'était pas contre s'essayer encore un peu à l'activité elle imaginait que la rousse devrait certainement être plus à l'aise les pieds dans ses chaussures que dans les patins et il fallait que tout le monde s'amuse : elle avait essayé le patin à eux de la rejoindre sur terre.

Ernest avait été si prompte à l'aider à se redresser qu'elle se retrouva rapidement dans ses bras, sans comprendre comment elle y était arrivée. Son esprit embrumé ne comprit que trop tard, mais ses sensations, elles, surent rapidement qu'elle était dans un lieu apaisant, réconfortant. Puis, trop vite à son goût, elle se retrouva écartée de lui, aussi brusquement, mettant une fois de plus en péril son équilibre.

Elle tenait grâce à deux béquilles humaines. Le bras de deux amis. Elle ne voulait en aucun cas être un poids, que ce soit au propre comme au figuré, aussi fut-elle tiraillée par la proposition qui semblait convaincre aux deux patineurs :
- "Ca ne me dérange pas de rester sur la glace, je vais bien finir par m'habituer... Et puis pour l'instant, mes fesses ne sont pas encore de la couleur de ma maison, j'ai de la marge !" rit-elle pour essayer d'apaiser ses compères. "Mais je crois que j'ai besoin de vous tant qu'on est sur cette chose glissante..." montra-t-elle la glace... "Donc je vous suis !"

Afin de conclure sa tirade, elle précisa :
- "Soit on reste là, et j'ai besoin de vous pour être mon professeur et ma béquille... j'en suis désolée... Soit on va manger un petit quelque chose... Je m'en voudrais de vous obliger à arrêter de patiner, vous aviez l'air de bien vous amuser avant mon arrivée" termina-t-elle penaude.

Elle aimait voir les autres heureux et sentait qu'elle avait interrompu un moment plaisant pour eux. Elle s'en voulait presque. Elle était un peu comme un poids pesant sur leur moment de détente puis un poids qui s'était imposé dans leur balade sur la glace.
- "Si vous voulez continuer à patiner, je peux vous attendre sur la terre ferme... Ca ne me dérange pas !" affirma-t-elle, tout en espérant ne rien interrompre de plus.

En fait, si elle restait ainsi jusqu'à la tombée de la nuit, ca ne la dérangeait pas. Peu important l'activité, elle était près de Marine avec qui elle sentait le courant passer et touchait avec bonheur Ernest.

Ernest grimaça. Le patin, ce n’était définitivement pas inné pour tout le monde. Mais c’est vrai que l’occasion était trop belle. Pas sûr que Miss Priddy ne décide de réitérer le sortilège à chaque hiver. C’était quand même du boulot de geler un lac mine de rien. Mais c’était le dernier jour à Poudlard et tout ce que souhaitait l’adolescent finalement, c’était de profiter de cette dernière après-midi avec ses amis. Enfin… dans son esprit, c’était Eileen qu’il avait espéré trouver “à l’improviste”. Ce qui ne l’empêchait pas d’apprécier le moment partagé sur la glace avec Marine.

Il était mitigé. Marine semblait suivre son avis mais il sentait bien que sa réponse ne portait pas l’enthousiasme qu’il attendait. Et Eileen leur assurait pouvoir continuer de patiner avec eux. Il ne voulait pourtant pas qu’elle se force. Il ne voulait forcer personne. Néanmoins, son aplomb était impressionnant. Mais était-ce vraiment surprenant ? Il hésita quelques instants, son regard passant de l’une à l’autre.

“Euh… bin… c’est comme vous voulez vraiment…”

Il fallait bien admettre que l’idée de servir de professeur particulier à Eileen n’était pas déplaisante malgré la gêne qui serrait toujours un peu son ventre. Depuis leur entraînement au sortilège du parapluie, les deux adolescents n’avaient pas vraiment eu l’occasion de passer de moment ensemble. Enfin, tous les deux. Et le petit brun restait dans l’expectative de ce qui se passerait ensuite.

“Marine, tu… tu te débrouilles pas trop mal… j’peux continuer à te donner des conseils en même temps que… ‘fin.. que je montre à Eileen ?”

Parce qu’il n’était pas question que la Serdaigle reste sur le bord à les regarder, mais en même temps il ne voulait pas commettre d’impair et laisser la Gryffonne sur la touche. Ernest avait toujours eu du mal avec les dynamiques de groupe et trois, c’était déjà un groupe pour lui. Comment faire pour être équitable envers chacun ? Enfin ça semblait logique d’aider Eileen qui tenait à peine debout et qui avait besoin de plus d’attention que Marine qui maîtrisait relativement les bases. Non ? Du moins, il essayait de s’en convaincre mais la présence de la rouquine avait tendance à lui faire perdre quelque peu de son discernement.

Voilà tout ce que la brunette détestait : le groupe se trouvait en pleine indécision et chacun passait la bombe à son voisin. Bombe que Marine nommait décision. En effet la brunette détestait prendre des décisions dans un groupe, même si tout le monde disait que chacune des propositions leurs plaisaient autant. Au fond chacun avait sa petite préférence qu'il gardait au fond de lui par politesse pour ne pas l'imposer aux autres. Comme dans les discussions de groupe où l'anglaise restait en retrait pour laisser la place aux autres, elle avait l'habitude de faire de même avec les décisions. Elle ne tranchait jamais même quand il n'y avait qu'une personne en face d'elle, elle s'arrangeait pour que se soit l'autre qui tranche, ainsi elle s'assurait de ne rien imposer à personne et ça la rassurait.

Malheureusement cette fois la brunette sentait qu'elle allait devoir sortir de ses habites. Tout le monde venait d'affirmer laisser le choix aux autres, que tout leur allait. Si personne ne se décidait ils pourraient rester longtemps plantés là, or il était dommage de passer le reste de leur après-midi à se renvoyer le choix des uns aux autres sans profiter de toutes les animations installées dans le parc. La brunette rejeta un œil à la rouquine vraiment pas à l'aise sur la glace même si elle en rigolait. Elle proposait même de se mettre à l'écart le temps de terminer l'animation patin. À travers ces mots la Gryffonne se persuada que la bleue et bronze ne devait pas passer du bon temps sur ses patins :
- Non, non tu... on... on va pas te laisser tou, toute seule ! Fit-elle a l'intention de la deuxième année.

Finalement il fallut quelques secondes à la brunette pour abandonner son souhait égoïste de rester un peu plus sur la glace, ses deux amis eux étaient motivés à l'idée de retrouver la terre ferme, ça se voyait : c'est Ernest qui avait proposé l'alternative et ça crevait les yeux qu'Eileen serait mieux dans ses chaussures.
- Non, on, on va aller goûter hein ? Vous... avez un pe, petit creux ? Les questionna-t-elle.
Finalement elle avait réussi à trancher mais n'avait pas bougé d'un pouce pour autant voulant s'assurer que les deux autres élèves étaient bien 100% d'accord et qu'elle ne leur imposait rien qui ne leur plairait pas, aussi scrutait elle leur expression.