La pluie claquait, glissait, s'éparpillait en une multitude de gouttelettes le long des carreaux du château. En ce matin pluvieux où le ciel de plomb embrassait les monts écossais, Poudlard faisait partie intégrante du paysage. Presque ton sur ton, où seul se distinguaient les contours ici et là, telle tour, tel rive du Lac Noir, tel bâtiment dans le Parc.
Le menton dans la paume de sa main, Constance laissait son esprit divaguer, ses prunelles s'attachant parfois à telle gouttelette, se demandant vaguement quel chemin sinueux elle emprunterait. S'arrêterait-elle avant d'arriver en bas de la vitre ?

Un bruit lointain attira son attention brièvement et la ramena à la réalité. Baissant les yeux sur son manuel de Potions, elle ne put se retenir de pousser un soupir.
Main droite qui se lève, manche qui se repousse machinalement pour laisser à découvert sa montre noire. 10h36.
La châtaine rabattit son poignet sur son manuel, repoussant son regard vers la vitre, et non pas au-delà de celle-ci. Impossible de distinguer autre chose que le gris morne du dehors.
Réjouissant n'est-ce pas ?

En ce troisième week-end du mois, elle aurait pu se joindre aux quelques élèves prêts à se heurter au temps hivernal, pourri, qui baignait les Highlands depuis quelques jours. Un coup d'Umbrella et le tour est joué, non ?
Oui, mais. Cette météo laconique a le don de rendre... triste. Vous voyez ? Et la flemme de se mouiller, ou de dépenser de l'énergie pour l'éviter.

Et puis, elle devait continuer d'étudier. Dans son petit programme, elle avait prévu de continuer de réviser les recettes de potions apprises depuis le début de l'année. Pas forcément facile, on parlait là d'user sa mémoire et uniquement celle-ci. Eviter de se tirer un balle dans le pied, voilà ce qu'elle souhaitait faire.

Sauf que voilà. L'adolescente voyait sa détermination fondre avec ces gouttelettes qui martelaient le carreau. Ce dont elle avait envie ? Se plonger dans un bouquin avec un plaid et un bon thé chaud ? Pourquoi pas ? Tout sauf lire un manuel parlant d'éléments actifs, d'agents de texture ou de couleur, en tout cas.

@Cheryl Styles

Cela faisait presque une heure que Cheryl était assise sur l'un des sièges de la bibliothèque, et que sa plume grattait son parchemin. La rouquine s'était motivée à se lever un peu plus tôt ce samedi-là, pour se rendre à la bibliothèque étudier un peu. Alors oui, la Serpentard détestait étudier dans cet endroit. L'odeur des livres et le silence pesant lui donnait envie de fracasser son crâne. Seulement, pour son devoir de sortilèges, elle avait besoin d'utiliser un livre de bibliothèque. Elle aurait très bien pu l'emprunter pour l'utiliser dans son dortoir, mais c'était une perte de temps à ses yeux. Et puis, son chat pouvait à tout moment arracher des pages du livre.

Bref, quoi qu'il en soit, son devoir était loin d'être fini. La troisième année adorait cette matière, mais rester assise durant des heures à écrire devenait fatigant. De toute façon, elle ne pouvait rien faire d'autre. Depuis la fenêtre, l'on pouvait voir la pluie tomber à toute vitesse ; ce n'était visiblement pas un temps pour sortir.

Cheryl leva sa tête pour relaxer son cou quelques temps, et ses yeux se posèrent sur une jeune fille aux cheveux châtains qu'elle connaissait bien : Constance ! Enfin un peu d'animation ! La Poufsouffle semblait elle aussi épuisée de travailler. La jeune Styles ferma vivement son manuel et saisit toutes ses affaires avant de les reposer sur la place qui se trouvait à côté de sa camarade.

— Constance ! Tu vas bien ? lui demanda-t-elle d'une voix enjouée mais assez basse pour ne pas se faire reprendre par le bibliothécaire.

Le bruit d'affaires qu'on pose avec entrain sur la table à côté d'elle tira Constance de sa rêverie mélancolique. Papillonnant des yeux vers la source de remue-ménage à quelques centimètres d'elle, elle avisa un visage non seulement connu mais amical. Cheryl.
- Hey, fit-elle avec un sourire bizarre. Ouais, ajoute-t-elle simplement bien que l'on pouvait deviner dans son ton, dans sa moue, sûrement les deux, que non ça n'allait pas.
Alors non elle n'allait pas se mettre à pleurer, n'avait pas la nausée ou mal quelque part mais ça ne voulait pas pour autant dire qu'elle passait un moment mor-tel. Ou en tout cas, pas dans le bon sens.
Bien malgré elle, son regard était tombé de nouveau vers ces pages qui... ne l'appelaient pas. Inspirant profondément, elle lève son visage vers la rouquine.
- Et toi, ça va ? Dis-moi que tu es là pour tout sauf réviser les potions, ajoute-t-elle avec un brin d'exaspération, son visage glissant contre sa paume.

Celle-ci s'imprimant sur son front, elle coule un regard par en-dessous à sa camarade.
- Si seulement il y avait une logique dans tout ça hein.

Elle parlait bien évidemment de la matière des potions qui, de premier abord pouvait paraître intéressant car on peut soigner des gens grâce à elle, on peut provoquer des changements... Mais clairement, le côté strict des consignes de recette qui, elles, n'avaient pas vraiment de logique, à son sens, avait ce côté imparable et tout sauf attrayant.
Et puis zut : le temps était pourri de chez pourri, ça donnait envie d'aller se coucher et de prier pour que le lendemain soit déjà là.
Le seul point positif ? Elle ne serait plus seule à rêvasser/déprimer dans son coin.

Le ton qu'avait employé Constance voulait tout dire — décidément, le mauvais temps avait le don d'impacter les humeurs de tout le monde. En jetant un rapide coup d'oeil au manuel posé devant son amie, la Serpentard comprit qu'elle était en train d'étudier les potions. Boh, c'était rien d'horrible les potions.

— Ça va. J'étais en train de faire le devoir de sortilèges mais j'en peux déjà plus, répondit Cheryl en s'asseyant sur la place située à gauche de la Poufsouffle.

Une fois assise, elle soupira un coup, les yeux rivés vers l'une des fenêtres de la bibliothèque. La pluie ne cessait de tomber depuis qu'elle était levée. Et tout ça ne lui donnait qu'une envie : faire comme son chat et rester au lit toute la journée.

— C'est pas si terrible les potions. Compare ça à l'histoire de la magie, cette matière de l'enfer, répondit la jeune fille en affichant une moue dégoutée.

Les devoirs pouvaient être pénibles, effectivement. Mais en ce qui concernait la matière en générale, il suffisait simplement de suivre une recette. Cela nécessitait de la précision et de la patience mais au fil des années, cela pouvait se maîtriser assez facilement.

— T'es là depuis quelle heure ? demanda-t-elle alors à sa camarade.

Elle n'avait toujours pas réouvert son manuel, comme si continuer d'étudier ne faisait pas partie de ses plans.

Cheryl s'assoit sur sa gauche et Constance suit ses mouvements d'un regard distrait. A la mention du devoir de Sortilèges, elle se contenta d'un sourire avant de laisser son commentaire sur le manuel de potions filtrer entre ses lèvres.
Ce qui sembla étonner la rousse qui rétorqua comme quoi ce n'était pas si terrible en comparaison avec l'Histoire de la Magie.
- Tu déconnes ? répond spontanément Constance en lui jetant un coup d'oeil stupéfait pour constater que non, Cheryl semblait bien sérieuse.
- Bon j'imagine que t'es pas là pour débattre sur les matières qu'on a mais quand même ! fit-elle en se redressant bien droite. L'Histoire de la Magie versus les Potions ? Y'a pas photo !
Elle se saisit de mon manuel et le fourre sous le nez de la Serpy.
- En quoi ce qu'il y a écrit là nous apprend des trucs ? Non mais vraiment Cheryl ? En quoi le contenu de ce manuel nous apprend ce qui a pu se produire avant, ce qui se produit maintenant ? Est ce que tu crois vraiment qu'apprendre par coeur à faire une potion de goutte-baillon ou du polynectar va vraiment te servir que ce soit au quotidien ou quand on sera plus âgées ? Perso, j'préfère acheter une potion toute faite quand j's'rais malade plutôt que de me galérer à en faire une tout en évitant de la rater. Pis, si on considère que j'ai vraiment besoin de faire une potion pour un truc - me soigner ou soigner quelqu'un d'autre ou un animal - et que j'ai pas le temps d'aller en acheter, okay ben j'ouvre mon livres de recettes de potions et voilà ! Alors pourquoi donc devoir toutes les mémoriser mmh ?

Son propos était prononcé vite mais sans animosité aucune. Elle ne comprenait juste pas comment les gens pouvait préférer les potions à l'Histoire qui était une matière, à ses yeux, bien plus intéressante et enrichissante.

Secouant la tête, Constance pousse un petit soupir désabusé et referme le manuel qu'elle repousse sur la table.
La question qui suit tire un regard laconique de la part de la châtaine qui souffle :
- Depuis assez longtemps pour que j'ai l'impression que ça fait des lustres, sourit-elle avant de lever son poignet droit et regarder l'heure : d'puis une bonne heure j'dirais. Toi ?

Jusque-là, la rouquine se trouvait dans une sorte de bulle. Comme si depuis son réveil, elle n'était pas réellement éveillée. Sa tête ne parvenait pas à travailler — même lire était devenu une épreuve. Mais Constance se mit à débiter soudainement suite à la remarque de la Serpentard, ce qui la réveilla brusquement. Elle n'avait jamais croisé quelqu'un qui haïssait autant les potions. Dire que l'histoire de la magie était plus intéressante que les potions, était-elle tombée sur la tête ?

— Et en quoi apprendre que Merlin est tombé dans les escaliers au cinquième siècle est important ? Une potion ça peut te sauver la vie, pas les infos inutiles d'histoire, rétorqua Cheryl, indignée par les propos de sa camarade.

Sincèrement, la troisième année adorait quand elle devait défendre sa pensée et prouver que l'autre avait tort. Mais ce jour-là, rien à y faire, elle n'était pas motivée. Même la Poufsouffle semblait ne pas vouloir poursuivre sur ce sujet.

— Une heure aussi, je dirais, fit-elle en croisant ses bras sur la table et en y reposant sa tête. Tu comptes rester là encore longtemps ?

Une simple question qui signifiait simplement : si t'arrêtes de travailler, on fait quelque chose ? Autant la verte et argent était motivée en arrivant à a bibliothèque ce matin, autant là, même lire son manuel lui demandait une énergie folle.

Cheryl semblait aussi stupéfaite qu'elle un instant auparavant lorsqu'elle indiqua le fond de sa pensée concernant le cours de potions.
- Merlin est tombé dans les escaliers ? répète-t-elle avec un étonnement feint, ceci expliquerait les rumeurs qu'il n'avait plus toute sa tête, plaisante-t-elle avec un regard entendu avant de rire doucement. Non mais plus sérieusement Cheryl, j'dis pas que les potions sont inutiles, crois-moi, je le sais bien qu'elles sont importantes et sont l'équivalent des médocs non-sorciers mais... quel est l'intérêt d'apprendre par coeur une multitude de potions durant notre scolarité ici, hein ? C'est pas comme si on voulait tous devenir potionniste plus tard ! En tout cas, perso, c'est pas mon projet, fit-elle avec une moue de certitude. Alors que l'Histoire, elle, elle nous touche tous ! Elle retrace les évènements du passé. On peut en r'tnir des leçons pour maintenant comme pour l'avenir. Et tu ne te considère pas comme curieuse Cheryl ? Tu n'es pas curieuse d'apprendre qui était vraiment tel duelliste et ce qui l'a amené à être comme il est, son parcours, les personnes qu'il a combattu ? Avec un peu de bonne volonté, on peut clairement choisir de voir les livres d'Histoire comme des livres retraçant des aventures, des péripéties qui... comme tout plein de crayons, ont écrit une Histoire commune. Notre Histoire ! S'intéresser à ce qui a pu se passer avant nous renseigne sur pourquoi "ce qu'on vit maintenant" est comme ça et pas autrement. Et ça peut nous aider à ne pas faire les même erreurs plus tard, et nous inspirer sur de futurs projets !

Oui, si Cheryl ne l'avait pas déjà compris, Constance appréciait beaucoup beaucoup l'Histoire.
Se rendant compte de l'emphase qui avait transpiré dans son propos, Constance arbora un petit sourire et secouant la tête, amusée, elle agita une main comme pour alléger un peu l'ambiance.

Finalement, Cheryl lui demanda depuis combien de temps elle était là et la châtaine lui précisa que ça faisait une bonne heure avant de lui retourner la question.
La réponse et l'attitude de la Serpy lui arracha un sourire. Comptait-elle rester là encore longtemps ? Était-ce elle ou bien c'était une invitation en bonne et due forme pour faire autre chose que bosser ?

- Bah... j'sais pas trop, commence-t-elle en dépliant ses bras, les étirant devant elle puis au-dessus de sa tête et de souffler finalement : je m'étais mise en tête un programme d'études : potions (haussement de sourcils entendu), botanique et runes. Après... p't'être qu'il existe un moyen de réviser autrement, susurre-t-elle avec un regard en coin.

M'ouais, Constance pouvait peut-être avoir raison sur différents points, jamais la Serpentard n'allait l'accepter. Si à ses yeux, l'histoire était inutile, alors elle l'était. Point. Apprendre des potions par coeur pouvait s'avérait exaspérant, surtout si ce n'était pas notre domaine de prédilection, effectivement. Mais à côté de l'histoire, y'avait pas photo ! Cheryl ne pouvait pas concevoir que les autres pouvaient penser différemment — elle disait avoir raison sur tout, tout le temps.

— J'suis curieuse, je t'assure, acquiesca la rouquine, mais pour d'autres choses. Genre, qui a volé mon bracelet dans ma salle co ? Ou encore, qui a déclaré sa flamme en premier entre Miss Priddy et Mister Mason.

Ça, c'était des questions à étudier ! Il y avait tant de choses qui se tramaient dans le château et que la troisième année mourrait d'envie de connaître. Et pour ça, il fallait investiguer. C'était sûrement plus intéressant que de rester des heures à la bibliothèque et entendre le son des pages qui se tournent ou des chuchotements d'élèves.

La réaction de la Poufsouffle laissait penser qu'elle n'avait aucune envie de rester ici. Comme quoi, peut-être qu'elle allait la suivre dans son plan ? Elle devait travailler trois matières, et elle en n'était qu'à la première. Si Constance voulait vraiment étudier, cela lui prendrait bien des heures avant de sortir de cette fichue bibliothèque. Néanmoins, elle avait ajouté une dernière phrase qui suscita l'attention de Cheryl qui se redressa.

— Ça m'intéresse, fit-elle en abordant un sourire malicieux.

La remarque de Cheryl sur le couple Priddy/Mason arracha un sourire amusé à Constance : comme tout le monde elle avait entendu la rumeur qui avait enflé dans les couloirs. Une idylle entre les deux profs ? Bien sûr que non seulement c'était intriguant et amusant mais également possible. Après tout, les deux adultes s'entendaient bien, ça se voyait aux repas, mais ils étaient aussi à peu près du même âge et... disons-le : physiquement pas désagréables. D'ailleurs, quand j'y pense, y'avait pas une rumeur à un moment qui disait que Narcisse avait crushé sur Priddy ?

Qu'elle se fut dissipée ou non, Constance ne le savait pas et en vrai s'en fichait un peu : elle n'était pas du genre commère bien qu'elle puisse s'amuser de certains propos, sur le moment.
Leur courte conversation prit un nouveau tournant lorsque la Serpy lui demanda négligemment depuis combien de temps elle était là. Après lui avoir répondu, Constance ne put s'empêcher de lancer une piste "mystérieuse". Dans laquelle s'engouffra allègrement Cheryl avec un sourire malicieux.

Les lèvres de la châtaine imprimèrent le même, en miroir, et se penchant au dessus de la table, posant ses coudes en tréteau, son menton vint se poser contre ses doigts entrelacés.
- Bon t'es pas en Etudes de Runes avec moi mais... on pourrait partir sur un système de message secret ? en utilisant l'alphabet runique ? Du genre... tu me poses une question et je peux te répondre qu'en futhark - c'est le nom de l'alphabet - et ainsi de suite ? Qui sait, ça pourrait être drôle... et toi qui connait pas, ça pourrait t'intéresser. Ca te dis ? A moins que tu n'ai d'autres idées bien sûr...

Elle avait bien sûr son manuel de runes qui rassemblait non seulement le programme mais bien évidemment l'alphabet runique en tout début de grimoire. Y'avait plus qu'à recopier les bons caractères. Et si cette idée de runes ne lui plaisait pas, elles pourraient toujours trouver quelque chose d'autre. Parce que, soyons réaliste : Constance n'allait pas continuer de potasser sagement son manuel de potions. Il était déjà relégué au fond de son esprit.

La perspective de continuer ses devoirs était déjà une histoire ancienne à la seconde où Constance avait posé les règles... du jeu ? On pouvait appeler ça un jeu. Ou bien, tout simplement une discussion en fu... quoi ? Flûte arc ? Pourquoi cela s'appelait comme ça ? L'alphabet runique fait des sons de flûte ou quelque chose du genre ? La rouquine ne suivait pas les cours d'études des runes et n'avait donc jamais entendu parler de cet alphabet. D'abord, elle ne savait même pas qu'il y avait un alphabet. Pour elle, c'était simplement des symboles à déchiffrer.

— Attends, du coup tu me réponds en flûte arc à l'oral ? Ou alors tu l'écris ? C'est les mêmes sons que nous dans leur alphabet ?

Avant de se lancer dans quoi que ce soit, elle devait être certaine de comprendre les règles avant que ça tourne au fiasco. De toute façon, Constance semblait avoir apporté avec elle son manuel de runes, aucun souci à se faire donc. D'après ses connaissances maigres en runes, les symboles n'étaient pas si compliqué que ça à dessiner.

— Bon alors... La Serpentard leva les yeux au ciel avant de rediriger son regard vers la Poufsouffle lorsqu'une idée émergea dans sa tête. Qui est la personne que tu peux pas saquer dans tout Poudlard ? Parmi les élèves bien sûr.