Cheryl avait passé la nuit à cogiter. Devait-elle proposer quelque chose à son joueur de Quidditch préféré en ce jour de la Saint-Valentin ? Ou bien devait-elle se contenter de passer une journée banale à juger chaque couple qu'elle pouvait croiser dans la journée ? Elle n'en savait rien. De toute façon, la Saint-Valentin c'était une fête totalement ridicule. Pourquoi devoir attendre ce jour-là pour lui proposer quelque chose ? Et puis, même si elle lui proposait, qu'allait-il lui arriver s'il refusait ? Trop de questions tourbillonnaient dans sa tête. Pourtant, la Serpentard n'était pas du genre à stresser. Pour rien au monde, la jeune fille pouvait éprouver du stress ou de la peur. Pourtant, cette nuit-là, il semblait bien qu'elle en éprouvait.

Le soleil se leva, et aussitôt Cheryl se leva du lit aussi. Elle était finalement parvenue à s'endormir, après une heure ou plus. Après s'être lavée le visage, les dents, et s'être brossée les cheveux, elle enfila une jupe qui lui arrivait au niveau des genoux, accompagné d'un haut blanc plutôt simple. De toute façon, sa tenue allait être cachée par son manteau long. Pour finir, la rouquine mit un serre-tête rouge. Elle était fin prête.

La jeune fille sortit de son dortoir aux alentours de onze heures — c'était parti pour trouver Antonn dans tout le château. Elle en était épuisée rien qu'à y penser. Il n'était pas dans la salle commune, ni dans la Grande Salle. Le terrain d'entraînement ? Pour un joueur de Quidditch, c'était probable. A moins qu'il soit déjà à Pré-Au-Lard avec quelqu'un d'autre. La troisième année se décida alors à se rendre sur le terrain d'entraînement.

Dis-moi si ça te va

La Saint-Valentin, jour maudit. Qu'en dire ? Je n'aimais pas cette fête l'an passé, je ne l'aime toujours pas cette année. L'amour, c'est surfait. Celui que l'on voit dans les livres n'existe pas. C'est un sentiment égoïste. On aime parce qu'on se conforte dans l'image améliorée de nous-même que nous renvoie celui qui dit nous aimer. Et je ne dis pas ça parce que ce sentiment m'intimide particulièrement, puisqu'il semble nous faire perdre tout contrôle de nous-même, et que par conséquent je préfère le refuser. Absolument pas. C'est simplement une analyse lucide de la situation. J'ai décidé de détester les gens amoureux. Ils sont heureux alors que je ne le suis pas. Mes parents sont en train de me marier contre mon gré sans aucuns scrupules, et mes seules expériences à peu près "authentiques" de l'amour auront été une fille dont l'histoire que nous avons partagé m'a apporté plus de mal que de bien et un tas d'hystériques pensant que la meilleure manière de me séduire est d'acheter un rendez-vous avec moi. C'est pitoyable. Je fais pitié.

Comme il y a un an, c'est au terrain d'entraînement que j'ai fui l'avalanche d'amour qui est en train d'ensevelir le château. Je crois qu'un part de moi espérait que Britanny ait eu la même idée. Après tout c'est ici que nous sommes devenus amis à la même date. On avait passé un bon moment, et je suis, je crois, un peu nostalgique. J'ai failli lui proposer qu'on se rejoigne, mais j'ai eu peur que ça paraisse un peu bizarre ? Proposer à quelqu'un de le voir le jour de la Saint-Valentin, ça peut vite être mal interprété, et je ne voulais pas la mettre dans une position gênante. Et puis, si ça se trouve peut-être qu'elle a déjà quelque chose de prévu. On est pas tous là à jouer au sportif solitaire et mystérieux le jour de la fête des amoureux.

Alors que je m'apprête à décoller, je remarque une tignasse rousse arrivant sur le terrain d'entraînement. Je suis surpris de reconnaître Cheryl. Je ne m'attendais pas à la croiser. Parmi les lettres reçues ce matin, il y en avait une de sa part. Ca m'a fait plaisir. Elle fait partie de celles que je garderais sans doute soigneusement, avec celle d'Erza. Je me demande ce qu'a bien pu lui dire Edwin à Noël. J'ai l'impression que ces deux là ne se portent définitivement pas dans leurs coeurs, je me demande bien pourquoi. Enfin bon, c'est comme ça. Puisque je ne suis pas sûr qu'elle m'ait repéré, je lui fais un signe de la main et l'interpelle en riant.

- Eh Cheryl ! Tu as vu ? Je suis tes conseils, me voilà déjà à l'entraînement !

Je reprends ensuite une mine plus sérieuse. Je passe la main dans mes cheveux avant de l'interroger, curieux.

- Tu cherches quelque chose ? Je peux peut-être t'aider ?

D'un pas toujours assuré, la Serpentard foula la terre tout en croisant les bras, de sorte à se réchauffer un peu. L'hiver se faisait toujours sentir, même si l'on s'approchait doucement du mois de mars. Vivement le printemps et l'été.

Alors que Cheryl avait déjà marché une certaine distance, elle aperçut une silhouette un peu plus loin. C'était lui ? Au moment même où la rouquine se posa la question, une voix l'interpella. Une voix qu'elle connaissait bien. Elle l'avait enfin trouvé — finalement, les recherches n'avaient pas été si dures.

Elle rit en entendant les paroles de celui-ci. Les lettres de Saint-Valentin avaient déjà été distribuées visiblement, et la troisième année ne put s'empêcher d'être ravie que Antonn ait lu la lettre qui lui était destinée.

— J'ai vu ça, j'en n'attendais pas moins de ta part, répondit-elle, le sourire scotché à son visage.

Cheryl avait toujours cette petite mine boudeuse en temps normal, il semble même que c'était la première fois qu'elle parvenait à sourire aussi longtemps. Et un sourire sincère qui plus est. Le cinquième année lui demanda alors ce qui l'amenait ici. Son sourire s'estompa drastiquement, bien qu'elle essayait au mieux de rester la plus naturelle.

— Je te cherchais toi parce que je... Elle cherchait ses mots, vite ! Je me demandais si t'étais dispo aujourd'hui... ou non ?

Où était passée l'assurance de la somptueuse Cheryl Styles ? Cette dernière avait fait de son mieux pour camoufler sa gêne, mais il était clair qu'elle n'était pas aussi confiante que d'habitude. Pourvu qu'il ne remarque rien.

J'ai l'impression que quelque chose cloche. Cheryl me semble... stressée ? Je ne peux m'empêcher de légèrement froncer mes sourcils lorsque le sourire qui y était tracé disparaît de son visage. Est-ce que quelque chose la travaille ? J'aimerais pouvoir me rendre utile mais je ne vois pas trop en quoi je pourrais le lui être. Je fais donc du mieux que je le puisse pour l'heure, en l'écoutant avec attention lorsqu'elle m'éclaire sur sa présence ici. Je crois que mon expression faciale trahit un peu ma surprise en l'entendant, bien que je fasse de mon mieux pour ne pas la laisser paraître. Je me ressaisis cependant rapidement. C'est moi qu'elle cherchait ? Et elle veut savoir si je suis libre aujourd'hui ? Est-ce qu'elle est en train de m'inviter à un espèce de rendez-vous de Saint-Valentin ? La date est suspecte. Non, je me méprends sans doute.

Pourtant, cette simple idée suffit à me faire rougir un peu. Malgré ce qu'en dise les potins, que je ne fais rien pour démentir j'en conviens, je suis loin d'avoir beaucoup d'expérience avec les filles. Je n'ai jamais eu le moindre véritable rendez-vous. Dire que je ne suis pas à l'aise avec les relations romantiques serait un euphémisme. Je panique lorsqu'elles s'approchent un peu trop près de moi. (les filles ou les relations, choisissez, les deux se valent.) Néanmoins, peut-être que là je m'emballe un peu. Elle n'a rien proposé de tel pour le moment. Je fais donc en sorte de ne rien laisser paraître de mon embarras, et lui répond avec le même sourire que je veux sûr de moi. Celui dont je privilégie l'utilisation lorsque je suis justement très peu sûr de moi.

- Euhm, à priori oui. Pourquoi ? Je peux faire quelque chose pour toi ?

Bien qu'elle espérait se tromper, la Serpentard avait cette impression que son interlocuteur avait ressenti la baisse d'assurance chez elle. C'était trop tard pour reculer de toute façon — à moins qu'elle ne trouve un prétexte totalement bidon de l'avoir cherché dans tout le château. Elle avait comme un sentiment de déjà-vu, comme quand elle était devant la boîte aux lettres de Saint-Valentin et qu'elle hésitait à déposer la lettre qui était adressée à Antonn. Un sentiment d'hésitation, de questionnements. Chose que Cheryl ne connaissait pas d'habitude. D'habitude, elle était si confiante, mais même cette confiance s'était volatilisée à l'instant même où il lui avait adressé la parole.

Le cinquième année lui répondit qu'il était libre. Cela étonnait presque la rouquine. Pourtant, elle était persuadée qu'au moins une fille si ce n'est plus, lui avait déjà proposé quelque chose. Peut-être bien qu'elles avaient proposé quelque chose et qu'il ait refusé. Cette pensée effraya davantage Cheryl. Et s'il refusait pour elle aussi ?

Il lui demanda alors pourquoi la troisième année lui avait posé la question. C'était une sensation horrible qu'elle ressentait au fond d'elle. Devait-elle dire n'importe quoi ? S'en aller ? Faire semblant de s'évanouir ? Ou bien, suivre son plan et lui proposer une sortie ? Peut-être voulait-il simplement rester ici avec son balai ?

— Tu... Ça te dit une petite sortie ? fit-elle en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille.

Plus aucun doute, c'est bien un rendez-vous qu'elle me propose. Je ne parviens pas à m'empêcher de m'empourprer un peu, gêné. Qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ça m'engage à quelque chose si j'accepte cette sortie ? Je ne peux me lancer dans rien de ce type, Mère en serait furieuse. Ses consignes étaient très claires, je ne dois pas donner l'impression d'être intéressé par quelqu'un d'autre que Scary. La très aimable Scary. Sérieusement, pourquoi ont-ils choisi de me fiancer à l'une des sorcières les plus désagréables de tout Poudlard alors qu'ils avaient l'embarras du choix ? De toute manière je n'ai pas dit mon dernier mot, je ne me marierais pas avec elle. C'est hors de question. Je dois juste trouver comment leur faire croire que c'est leur décision que d'abandonner cette stupide idée de fiançailles. Et puis, en dehors de mes parents, je ne suis pas à l'aise avec les relations aux autres. Je n'ai pas envie de devoir quoi que ce soit, à qui que ce soit. J'ai trop peur de décevoir les gens, je ne veux pas porter cette responsabilité. J'espère donc que ma camarade n'en attend pas trop de moi.

Je ne dois pas m'égarer dans mes réflexions, il y a une question qui attend réponse. J'aime bien Cheryl, j'apprécie sa compagnie. Et si je suis sincère avec moi-même, j'aurais bien envie de faire quelque chose qui me sorte de ma routine. Au pire, si mes parents l'apprennent, je n'aurais qu'à dire que c'était une sortie tout à fait amicale. D'ailleurs, peut-être que ce n'est rien de plus que ça après tout ? J'veux dire, pour l'instant y'a rien de romantique si on oublie le fait que je ne vois pas pourquoi elle semblerait stressée de me proposer une sortie tout à fait commune. Je cogite, pesant à toute vitesse le pour et le contre. Peut-être que je réfléchis un peu de trop pour quelque chose qui se veut à l'origine spontané ? Je finis par trancher en lui adressant un nouveau sourire, espérant qu'elle n'ait pas remarqué mon hésitation. Je ne voudrais pas qu'elle l'interprète mal.

- Bien sûr, qu'est-ce que tu voudrais faire ?

Voilà, proposition acceptée. Maintenant, advienne que pourra.

La question avait été posée. Son coeur battait à tout rompre, jamais ça ne lui était arrivé. Qu'est-ce qu'il se passait ? Il n'y avait aucune nécessité de stresser à ce point. Pourtant, c'était ce qui se produisait. Le regard de la rouquine jonglait entre le sol, ses pieds, le terrain, le visage d'Antonn — qui d'ailleurs avait pris une couleur légèrement rouge.

Le laps de temps entre l'instant où Cheryl avait posé la question et le moment où le joueur de Quidditch avait répondu semblait durer une éternité à ses yeux. J'aurais jamais dû proposer ça, se répétait-t-elle intérieurement. Elle allait être couverte de honte s'il refusait. Elle n'allait plus jamais oser croiser le cinquième année dans la salle commune, ni pendant les matchs de Quidditch.

Alors que la Serpentard se maudissait intérieurement, elle releva les yeux sur lui en entendant sa réponse. Il avait accepté. Cela aurait dû la laisser souffler un coup mais au contraire, son coeur se mit à battre de plus belle. C'était une position si inconfortable. Néanmoins, elle était heureuse et un beau sourire se dessina sur son visage.

Par Merlin, Cheryl n'avait pas réfléchi à ce qu'ils pourraient faire tous les deux. Ses pensées étaient tellement centrées sur sa proposition qu'elle en avait totalement oublié la suite. Cela ne lui ressemblait pas d'être mal à l'aise de la sorte. Il lui fallait trouver une solution rapidement où Antonn allait finir par croire que la troisième année ne savait pas ce qu'elle voulait.

— J'aurais bien voulu aller à Pré-au-Lard mais comme y'a pas de sortie organisée aujourd'hui ça risque d'être compliqué... À moins que la Salle sur Demande se transforme en Pré-au-Lard.

La direction aurait quand même pu laisser les élèves aller à Pré-au-Lard comme bon leur semblait. Un si bel endroit se trouvait à proximité mais ils ne pouvaient y aller que deux fois par mois.

— Tu veux aller quelque part en particulier ? A moins que tu veuilles continuer à t'entraîner avec ton balai et que je t'encourage avec des pompons imaginaires.