Prosper Purnell, dit Poppy est l'employé un peu empoté et baillant aux corneilles d'Honeydukes. Oh vous ne pouvez pas le louper, il est accoudé au comptoir, attendant qu’on lui confit une ou plusieurs missions pour remplir un peu sa journée mollassonne. Un peu flemmard, mais pas bien méchant, bavard et très attachant, il possède un certain sens de l'humour — parfois houleux — qui ne plaît pas à tous les sorciers du Monde Magique. Est-ce son origine d’outre atlantique qui jure avec les habitants de la Grande-Bretagne ? Ses manières parfois franches et sans y aller par quatre chemins. Un regard franc, des yeux pétillants de malice, Poppy a le caractère des bonbons qu’il vend, doux, suave, et parfois très surprenant.
Né à Brooklyn, il sillonnait New-York avec ses parents dès son plus jeune âge, bercé par les comédies musicales de Broadway (rarement vues de l’intérieur, car le maigre salaire de sa mère et le je-m’en-foutisme de son père ont eu raison de sa passion naissante). Prosper, un nom choisi par la figure paternelle, c’était plutôt le gamin qui mangeait son cheese-burger sur la chaussée de Times Square et qui regardait les riches familles endimanchées quitter le décor scintillant du spectacle, reprenant avec ferveur le refrain sous les yeux déçus du gosse, la bouche luisante de cheddar fondu.
Deux parents Non-Maj, un divorce à la clef, laissant Prosper sur le carreau dans les bras épuisés de sa mère. « À la revoyure » balança son voyou de père, le dos tourné, sans un regard pour son fiston. C’est la dernière image que conserve l’enfant de son géniteur. La fumée, la nuit noire, la ruelle sombre et les escaliers de secours d’où il s’est penché, hurlant à la mort pour le retour d’un père qui n’en avait plus rien à faire. C’est donc Cora qui écopa de l’éducation de Prosper. Non pas qu’il fut un enfant particulièrement difficile, mais ce qui pesait au jour le jour, c’était le manque d’argent, l’incertitude de nourrir cette petite bouche et de lui offrir un avenir reluisant, à lui dont les rêves se peuplaient peu à peu de père idéal, de retrouvailles dans un pays lointain, de voyages à l’autre bout du monde. Cora souffrait de ne pouvoir réaliser les utopies de son gamin.
C’est lors d’une sortie scolaire, à l’âge de huit ans, que Prosper fut visité par un ours. Les parcs nationaux verdoyants peuplaient l’état de New-York, plus à l’ouest. Et sous la surveillance d’un ranger américain, voilà la classe verte partie découvrir les joyaux de la nature. Une bouffée d’air frais pour le petit citadin qui respirait l’acre fumée de son quartier brooklynois. L’ours qui croisa son chemin, et fit pâlir nombre de ses camarades, était l’animal totem rituel d’Ilvermony venu lui annoncer son avenir de sorcier. Le choc fut tel pour Prosper qu’il en trembla d’effroi, son imagination brûlant les étapes à cent à l’heure. Le monde de ce gamin venait de changer du tout au tout. Et si cette frayeur resta dans l’esprit de ses camarades comme une bonne vieille aventure, elle s’immisça à tout jamais dans la mémoire de Prosper Purnell. L’ossature puissante, la majesté et le pelage brun de cet ours, tantôt l’étouffait la nuit, tantôt le rassurait comme une couverture chaude au cœur de l’hiver.
À dix ans bien sonnés, deux ans après cette rencontre inoubliable, la mâchoire encore pendante de sa mère d'ahurissement et son excitation à lui rejoignirent le train de la Pennsylvania Station qui le mena tout droit à sa nouvelle école, perchée sur le mont Greylock : Ilvermorny. Que dire, si ce n’est que les rêves enfouis de ce gosse se révélèrent soudain palpables et réels, lui faisant presque oublier l’absence de son père et son abandon six ans plus tôt.
C’est la statut de l’Oiseau-Tonnerre qui choisi d’accueillir cet aventurier au sein de son nid, dans la plus haute partie de la bâtisse, là où la pierre côtoie les nuages. Bercés par la tiédeur de cette nouvelle vie qui commençait pour lui, Prosper entama paisiblement sa scolarité d’enfant sorcier. Il toucha du doigts les matières inconnues que lui enseignèrent ses professeurs, découvrant bien vite qu’il n’y avait rien de ludique ou de moins ennuyeux dans cette école que dans une autre. Passé l’instant de joie, sa mère et son quotidien de Non-Maj lui manquèrent très rapidement. Il s’intéressait de loin aux pratiques magiques, préférant rapidement tout ce qui se passait de baguette : les potions et la botanique avaient son cœur, malheureusement elles n’étaient pas suffisantes pour lui faire passer le cap de la troisième année. Il redoubla, laissant ainsi filer devant lui les quelques amitiés qu’il avait pu se créer.
Conjointement et sans nouvelles de son père, Cora sa mère recevait elle des lettres de son ex-mari, soudain curieux de ce que pouvait devenir cet enfant délaissé. Était-ce la nouvelle de son potentiel magique qui faisait revenir l’avide Rubens dans leurs jambes. Prosper fut toutefois gardé loin de ces missives par sa mère, qui entreprit de les cacher et de ne pas lui révéler la volonté qu’avait son géniteur d’entrer en contact avec lui.
C’est peut-être cette troisième année qui provoqua un virage pour Poppy. Fraîchement renommé ainsi par ses deux nouvelles amies Effy et Margaret, il révisa à leur côté plus assidûment, découvrant dans la Métamorphose un véritable potentiel d’être quelqu’un d’autre. Les Métamorphomages, les Animagus, la possibilité de changer de forme, de couleur, d’apparence. L’éveil de Poppy à cette magie qu’il avait jusqu’alors délaissé lui permis de continuer sa scolarité, avec tout juste la moyenne. L’amitié de ces trois là ne résidait d’ailleurs pas qu’à Ilvermorny. Une fois l’été arrivé, ils se pavanaient dans New-York à la recherche des dernières fripes de mode ouvertes, se peignaient les ongles en noir corbeau, buvaient des sodas trop sucrés à l’ombre de Central Park et filaient danser dans des clubs de rock jusqu’à l’aube. Sous l’impulsion d’un levé de soleil grandiose, ils fondèrent leur propre groupe communément nommé : The Floor is Lava. Peut-être était-ce d’ailleurs cette vie de Non-Maj qui plaisait le plus à Poppy, ses racines et son patrimoine. L’école de magie faisait office d’internat, le privant quelques mois dans l’année de sa liberté et lui infligeant le devoir de se perfectionner dans un domaine qu’il n’avait en réalité jamais choisi : celui d’être un sorcier prometteur.
C’est à la fin de sa scolarité, alors qu’il fêtait avec effervescence son diplôme et ses dix-neufs ans que son père lui proposa, par le biais d’une lettre adressée à l’école de magie, de le rejoindre en Angleterre et plus précisément, chez lui à Londres. Sans grande surprise, Poppy fut furieux contre sa mère de lui avoir caché les lettres de Rubens pendant toutes ces années. Il décida donc, malgré les avertissements de Cora, de quitter l’Amérique pour aller rencontrer ce père qu’il n’avait pour ainsi dire jamais connu.
C’est donc un Poppy naïf et ignorant des magouilles de son père, de son opportunisme et de sa mauvaise influence qui débarqua en Angleterre prêt à renouer les liens avec son paternel. Que ne déchanta-t-il pas vite, face aux remontrances de ce Non-Maj, persuadé que son fils avaient atterri dans un « guet-apens, un ramassis de foutaises, une école d’art du spectacle en somme » et qui jurait qu’il lui appendrait la vie, la vraie. Maintenant c’est lui qui ferait son éducation, et il la ferait bien. Souhaitant au plus vite quitter l’appartement miteux et insalubre de Rubens, Poppy entreprit de trouver un travail d’appoint, loin de la mauvaise influence d’un géniteur en colère. Il postula auprès de Mrs. Lee, gérante d’Honeydukes, décelant dans ces murs un lieu de paix, emprunt d'une joyeuseté qui vous collait rapidement à la peau. Rêveur, il s'imaginait derrière le comptoir, intégrant l’une des prestigieuses académies d’études supérieures de l’Angleterre afin de mettre fin à ce cauchemar familial vivant. C'étant sans compter le foyer qu'il trouverait au sein de la boutique de bonbons de Pré-Au-Lard, qui lui ôterait bien vite l'idée de fuir ailleurs.