Je suis paralysée sur le sol. Incapable d'écrire quoi que ce soit. Je ne parviens pas à écrire les lettres ailleurs qu'ici, juste avant de les envoyer. Ce n'est finalement pas dramatique étant donné le peu de lettres que j'écris, mais cette fois si je crois que ça l'est. Comme d'habitude, j'ai tout fait s'écrouler. Elle est partie et je n'ai rien dit. Rien fait. Moi aussi, dans un sens, je suis partie. Je n'ai pas pu accepter tes mots, qui m'étaient d'habitude si agréables à entendre, doux comme un poème déclamé à l'aube du printemps. Tu étais aussi douce que le printemps. Tu étais tout. Raaah je ne vais pas y arriver. Je n'ai pas accepté ses au-revoir, c'était trop soudain pour moi. J'ai eu l'impression qu'elle m'avait jetée du haut de la plus haute tour du château juste après m'avoir arraché mon coeur, l'avoir piétiné en mille pièces pour le remettre en place. Je suis morte. Tout se mélange en moi, je ne sais plus discerner le souvenir de mon imaginaire. Est-ce que tout ça était réel ? Est-ce vraiment arrivé ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne veux plus savoir. Nous sommes des sorciers et pourtant, nous n'avons pas encore trouvé le moyen de détruire tout sentiment. Je voudrais pouvoir détacher mon esprit de mon coeur pour n'avoir qu'à réfléchir à mes cours. Parler avec Antonn de tout et de rien. M'entraîner au Quidditch et au duel. Rigoler avec Kelly ou d'autres. Tout sauf penser à elle, à toi. Tu es la seule qui m'ait vraiment connue. La seule qui a porté le poids de mon coeur sans qu'il ne te pèse réellement. Tu m'as acceptée, tu m'as aimée. Maintenant, c'est trop tard, tu t'es envolée pour toujours, emportant avec toi le Soleil. *Je t'emmènerai jusque dans les étoiles*, t'avais-je dit un jour. J'aurais tout fait pour toi, j'aurais crevé pour toi, tu le sais ça ? Tout ça, je ne te l'ai pas dit. Je n'ai pas pu. Là encore, je le pense au lieu de te l'écrire. C'est tellement plus simple de parler dans notre tête. On change un mot par-ci, un mot par-là. À l'oral ou à l'écrit, c'est marqué pour toujours. Chaque mot reste gravé dans l'air, dans notre esprit pour l'éternité. J'ai cru bêtement que ce serait pareil pour notre amour. Tu resterais à mes côtés pour l'éternité. Et moi, je serais là aussi. Une sorte de rédemption inespérée. Comme quoi, je me trompe toujours. Je t'ai laissée partir mais je te dois une dernière chose. Je dois t'écrire ce que je n'ai pas su te dire.

Ivy, ma douce Ivy. Tu es tout ce que j'ai aimé le plus sur cette Terre. Je t'ai aimée comme jamais personne auparavant, et comme personne dans le futur. J'aurais dû te le dire pendant qu'il en était encore temps, mais avec moi, ça ne se fait jamais correctement. Je n'y arrive pas. Je t'ai laissée partir quand j'aurais tu te dire tout. La vérité c'est que tu m'as sauvée. Ton amour m'a sauvée. Avec toi, c'est comme si j'étais au paradis, j'avais toujours l'impression que les branches des arbres, l'herbe et les fleurs te faisaient la révérence, que tu rendais le Soleil encore un peu plus brillant, que tu rendais chaque journée plus resplendissante, comme si ce n'était pas une semaine comme toutes les semaines. Tu m'as sauvée parce que tu m'as presque fait oublier tout ce qui pèse chaque jour depuis toujours. Tu me faisais comprendre que je pouvais être quelqu'un d'autre, quelqu'un de bien, que je pouvais apporter à mon tour du bonheur. Jamais tu ne m'as jugée. Tu t'es contentée de m'aimer, pour ce que j'étais, et c'était tout ce qu'il fallait, c'était mille fois plus que ce qu'il fallait. Ivy, mon Ivy, je t'aime et je t'aimerai toujours. J'espère que tu me pardonneras pour tout, pour moi, pour nous. Je garderai toujours ton souvenir, n'en doute pas un instant. Toi qui était douce comme le vent du printemps. Sublime comme un pétale de rose en pleine éclosion. Attentionnée comme la reine des abeilles dans sa ruche. Je sens encore ta main dans la mienne tandis que nous marchons aux bords du lac. Je distingue encore précisément chacun de tes cheveux en bataille, luttant contre le vent. Tes yeux en amande qui me plongeaient dans le bonheur. Tu m'y as donné goût. J'avais envie d'être là, pour te voir. Je te promets de continuer, pour toi, pour notre souvenir.
Je t'aime Ivy Mercer, pour toujours.

Je ne signe pas. Elle reconnaîtra mon écriture brouillonne. Aussi brouillonne que la façon dont j'ai écrit la lettre mais tant pis. Je l'ai écrit comme je devais l'écrire, comme moi. Mes mots, même si je n'ai pas su lui dire en face, je sais qu'elle saura qu'ils viennent de moi. Elle saura tout.