Depuis quelques heures, j'ai le moral dans les chaussettes. Mine de rien, parfois l'esprit est masochiste : il est capable de se remémorer encore et encore un épisode. Jusqu'à la nausée. Et on y peut rien, on devient comme un spectateur piégé dans son propre corps.
Alors oui, heureusement qu'on avait cours cet après-midi avec Miss Priddy, ça a permit d'avoir quelques moments de répit. Valait mieux pour ne pas attirer son attention. Mais bon. J'imagine que Miss Priddy va finir par être au courant à défaut de connaitre maintenant tous les tenants et aboutissants de l'histoire. Surtout que l'ambiance pesante en salle cet après-midi et l'absence d'Eli a dû l'étonner. Drôle de coïncidence non ?
Non, j'crois pas non.

Depuis qu'on s'est séparées dans le Hall ce midi, je me répète en boucle notre court échange.
**Eli qui me regarde avec ses grands yeux de chiens battu. Moi qui n'arrive pas à me défaire de ce sentiment de colère contenue, mêlé à cette inquiétude pour son visage. Puis le visage en larmes de Lily dans le couloir de Potions qui revient dans un flash.
- J't'accompagne à l'infirmerie.
Mon ton était froid, plus que je n'aurais voulu au départ. Elle qui me regarde puis qui détourne son regard.
- Nan, c'est bon, j'y vais seule. On s'retrouve après.
J'aurais dû insister mais j'avais cette boule dans la gorge. De la taille d'une balle de golf. Et c'est pas mal en taille une balle de golf.
Elle qui s'éloigne, les épaules basses, à pas pressés. Moi qui me retourne comme une automate et qui entre dans la Grande Salle pour le déjeuner. Comme un zombie.
Déjà je culpabilise.**

Bien évidemment, j'ai quasiment rien avalé. Dans le brouhaha insouciant de mes camarades de Maison, j'avais la désagréable impression que tout ceci était loin d'être terminé. Et me voilà qui m'inquiétait pour Eli. Et comment allait réagir Mr O'Belt en la voyant ? Il saurait la guérir en même pas deux secondes. Mais on allait avoir des ennuis, tous.
J'avais hésité à la rejoindre ensuite. Alors que la Grande Salle se vidait de tous ces ventres bien nourris, j'avais pris le chemin de l'infirmerie mais à quelques mètres de la porte, j'avais croisé un fantôme et... pour une raison qui m'échappe, j'ai continué mon chemin, ne m'arrêtant pas comme prévu dans la salle d'attente. Cette sensation poisseuse ne m'a pas quitté, surtout pas avec l'absence d'Eli qui crevait le silence.

Aussitôt la fin du cours de Sortilège annoncé, je fus une des premières à me lever. Pour une fois, je détale tel un élève qui fuirait une matière détestée. Alors que j'adore ce cours.
Je file à l'infirmerie mais elle n'y est plus. Je trace mon chemin jusqu'au Terrier où je la trouve seule, dans le dortoir.
- Eli.
Je me plante devant elle, ma besace de cuir tombant à mes pieds. Je plonge mon regard dans le sien, les mots s'entrechoquant sous mon crâne.

actions vues avec la joueuse
@élisabeth willis à ton tour

La façon dont Constance avait refusé qu'elle s'accroche à elle dans les souterrains, le ton beaucoup plus sec qu'elle avait employé, ce regard qui semblait renfermer bien trop de choses négatives et glaciales, tout avait percuté Éli en plein cœur. Oui, sa dispute avec Aly n’était franchement pas une bonne chose, elle n’en était pas très fière, et elle regretterait même sûrement les conséquences que tout ça aurait sur la promo, mais cette distance que semblait avoir directement instauré Constance entre elles depuis, était bien pire que tout ça.

Elle l'avait toujours cru de son côté, pourtant cette fois elle s’était opposé à leur duel, elle avait tenue tête face à leur violence, elle n'avait pas cédé, et surtout elle n'avait pas prit parti. Ce douloureux, mais inévitable constat rendait Éli fébrile, elle n’était plus si sûre que son amie soit capable de passer par-dessus ce qu'elle avait fait, et cette idée piquait à un point qu'elle n'aurait pas pu imaginer.

Lorsqu'elles étaient remontées dans le hall juste après l'altercation, vexée Éli avait sans réfléchir refusé directement la proposition de son amie de l'accompagner à l'infirmerie. Elle ne voulait pas de son aide, elle ne voulait plus voir personne après ça, et encore moins en la sentant hostile à ce point contre elle. Elle n'avait pas la force de supporter ses reproches.

À la place, elle avait directement pris le chemin du terrier. Que pouvait-elle faire d'autre ? Avec ou sans Constance, elle ne voulait pas aller à l'infirmerie. Croiser M.O'Belt dans cet état était vraiment la dernière chose dont elle avait envie, quelques griffes, même douloureuses, ne la pousserait pas jusque la bas aujourd’hui, elle était bien trop énervée, bien trop frustrée, et étonnamment bien trop triste pour subir son jugement à lui aussi. Aller à l'infirmerie revenait à devoir tout dire, et c’était hors de question d'impliquer les autres de toute façon, elle n'irait pas.

Une fois dans sa salle commune, ses pas l'avait entraîné vers la salle de bain, ou son reflet éraflé croiser dans le miroir lui avait tirer une grimace. Ok, ce n’était pas très beau à voir. Touchant du bout des doigts les entailles fines mais nombreuses qui parcouraient sa joue gauche et son front, la jeune fille avait ensuite sommairement nettoyé ses plaies à l’eau et au savon, accentuant au passage leur brûlure douloureuse.

Peut-être qu'un passage à l'infirmerie serait nécessaire finalement, mais pas aujourd'hui. Séchant le repas et le cours de sortilège, Éli avait fini par s'assoupir quelques heures, épuisée. Finalement réveillée par un cauchemar, complètement nauséeuse, elle s’était assise au bord de son lit peu de temps avant d'entendre des pas arriver dans le dortoir.

Constance était là, en face d'elle, et lorsqu'elle prononça son prénom, la gorge d'Éli se sera malgré elle. La jeune fille ne pouvait plus fuir le regard de son amie cette fois, elle n'avait plus d'échappatoire à ce qui allait suivre. Déglutissant difficilement, la poufsouffle finit par capituler au bout de quelques secondes.
- je sais c'que tu vas m'dire, et pas besoin. Baissant la tête comme si le sol semblait capter son attention soudainement.

Le visage d'Eli. Son visage si agréable à regarder d'habitude, encadré de ses boucles brunes, qui s'illuminait tantôt d'un regard rieur, tantôt d'un sourire malicieux. Ce même visage était maintenant traversé d'une multitude de griffures. Celles des chauves-furies d'Alyssa. Comment ça se fait qu'elle les ai encore ? Je croyais qu'elle était partie à l'infirmerie, qu'elle y avait passé l'après-midi.

Et pourtant je dois me rendre à l'évidence : ce n'est pas le cas, sinon, son visage ne serait pas dans cet état. Cela j'en suis certaine car à l'infirmerie avec tous leurs remèdes magiques et tout, ils ont forcément un truc pour "au moins" atténuer ses blessures.
Du coup, je me demande un bref instant pourquoi elle s'inflige cela ? Pis... elle va avoir des problèmes d'avoir séché le cours de Priddy.
Raaah Eli, comme si y'avait pas assez d'ennuis comme ça. Tu cherches quoi, à te punir en laissant ces marques incandescentes sur ta peau ? Ou bien, c'est par pur égo et pour prouver que tu es la victime d'Aly ? Non, ça je ne peux y croire. Tu n'es pas du genre à te victimiser.

Alors quoi, peur de devoir s'expliquer à Miss Lloyd ou Mr O'Belt ? Peut-être. Mais Eli, elle, elle savait mentir donc si elle avait peur de s'expliquer sur la nature de ses blessures, elle était capable de trouver quelque chose. A moins qu'elle culpabilise sur ce qui s'est passé en fin de matinée et que c'est sa façon de se rappeler les conséquences de ses actes... Mais est-ce bien utile ? Et les adultes, les préfets, ils vont voir son visage. Donc en fait, ce n'est que remis à plus tard...

Son regard se perd alors dans la contemplation du sol tandis que ses lèvres formulent une nouvelle fois un rejet.
- Ah vraiment ? fis-je la gorge serrée, genre tu sais que j'allais te dire que tu as une mine affreuse ? continuais-je sur un ton faussement enjoué.
Je soupire. On ne peut pas continuer comme ça.
- On ne peut pas continuer comme ça Eli, faut qu'on parle. De ce qui s'est passé. Tu le sais hein ? Plus on attendra et plus on sera malheureuses chacune dans notre coin. (ma gorge se serre tandis que je prononce tout haut ce qui m'étreint le coeur tout bas) C'est ce que tu veux ?

Oh Eli, regarde moi. Parlons de ce qui s'est passé. De ce que tu as fait. J'ai besoin de savoir : pourquoi ? Pourquoi as-tu eu besoin que ça monte en épingle comme ça ? Pourquoi tu m'as rejeté ? Et Lily, qu'est ce qu'il s'est passé dans ta tête pour t'en prendre à elle alors qu'elle voulait comme moi cesser cette querelle puérile ? Pourquoi ?

Éli sentait le regard de Constance sur elle, et elle imaginait assez ce que son amie pouvait penser à cet instant. Elle était certaine que depuis la rentrée, elle n'avait fait que la décevoir de semaine en semaine, et même si son amie n'avait pas connaissance de tout, entre les feux d'artifice, le kidnapping de Klee, ses affaires de photos avec Niks, cette provocation, ce besoin constant de passer par-dessus le règlement, cette rivalité croissante avec Aly et cette ambivalence pour Redose qui faisait ressortir d'elle ses pires instincts, Constance avait de bonnes raison d'être déçu.

La distance qui s'était instaurée toute seule entre Éli et Lukas n'avait rien arrangée à son comportement, et même si la stabilité qu'elle avait réussi à maintenir dans son couple avec Gideon aurait pu faire pencher la balance du bon côté, même ça elle avait réussi à le rendre précaire, en risquant à tout moment de faire exploser leur petite bulle à cause de son ambiguïté pour le meilleur ami de son copain. la Poufsouffle faisait tellement n'importe quoi, que même Mister O Belt, qui avait toujours été de son côte jusqu'à présent, avait rendu les armes lui aussi, alors qu'aujourd'hui Constance commence à lâcher prise ne l'étonnerait pas vraiment, même si ça lui faisait très mal d'y penser. Les griffures subit de la baguette d'Aly n'étaient vraiment rien comparé à tout ça.

Son amie en face, elle s'attendait à recevoir rapidement une pluie de reproches mérités, mais il ne semblait pas avoir de colère lorsque la voix de Constance se posa enfin. Elle avait une mine affreuse...oui elle n'avait pas tort, et la discussion que son amie voulait avoir avec elle n'allait sûrement pas arranger les choses. Éli n'avait vraiment pas la force de parler, et encore moins de tout ça, elle voulait juste oublier et dormir, mais il était hors de question que C soit malheureuse à cause d'elle, l'argument était malin, culpabilisant, mais malin.

- mais nooon, c'est pas c'que j'veux ! Relevant un regard désolé vers Constance, Éli attrapa une mèche de cheveux pour la tortiller nerveusement. Qu'est c'que tu veux que j'te dise ?! J'ai fait n'imp', oui ok, on n'aurait pas dû s'énerver, c'est ça qu'tu veux entendre ? C'est fait maintenant et j'peux pas r'venir dessus. Baissant le ton, et le regard de nouveau. Ça sert à quoi d'en parler... j'vois pas c'que j'peux dire d'autres.

Finalement une réponse, un visage qui se redresse. Ma question a fait mouche et autant sa réaction me rassure d'une certaine façon, autant elle attise la tristesse qui berce mon cœur.
Son regard désolé, coupable, pourrait indiquer qu'elle est sur la bonne pente pour m'expliquer le fond de sa pensée, les raisons qui l'ont poussé à faire ce qu'elle a fait mais... non.
Entortillant nerveusement une mèche - tic que je connais bien maintenant, témoignant de sa fébrilité - elle prend un ton que je n'apprécie pas particulièrement, indiquant en gros « ouais j'ai fait n'importe quoi et alors ? ».

Je fronce les sourcils, mes bras se croisant sur ma poitrine comme voulant protéger ma cage thoracique de ces « coups » verbaux. « c'est ça qu'tu veux entendre ? »

Non, c'est pas « ça » que je veux entendre Eli. La vérité, de la sincérité, voilà ce que je veux entendre. Pas des excuses bidon du genre « J'ai fait n'imp', oui ok ». Non mais tu t'entends ?!

Mais tout ça, je le garde pour moi et la laisse finir de parler. Après tout, une conversation ça se tient à deux. Et là, c'est son tour.
Et mon amie continue de pousser sa mauvaise foi toujours plus loin : ce qui est fait est fait, passons à autre chose, y'a rien à dire, suivant !
Cette attitude, c'est... c'est non en fait !

Son refus de prime abord de discuter à propos de tout ça, attise ma colère comme une poignée d'allumettes dans un petit Incendio. Veut-elle vraiment partir sur cette piste là ? C'est vraiment ce que tu veux Eli ?
Autant qu'elle se rende compte que tout ce qui s'est passé dans les souterrains n'est pas « okay », on pourrait dire que c'est un bon début, mais qu'elle se mette aussi vite en mode « défense » - genre ce qui est passé est passé, on enterre et... quoi ?? on passe dessus ? Et on recommence plus tard ?

Non mais c'est pas un jeu Eli. C'est la vraie vie là et c'est normal et sain de parler de tout ça. Mettre les mots dessus, analyser pour pouvoir comprendre et ne pas reproduire une telle situation. Pis il y a des excuses à faire. Je repense une nouvelle fois à Lily et son visage en larmes à la surface de mon esprit est comme la goutte d'eau de trop :
- Tu vois vraiment pas c'qu'on peut dire d'autres ? Et Lily on en parle ? Non mais sérieux Eli, tu peux pas tout mettre sous un tapis, attendre que la tempête passe et ne plus y penser. C'est pas comme ça que ça s'passe en fait. En tout cas, c'est pas ce que je veux, ce dont on a besoin et encore moins ce que tu veux – enfin j'espère. Parce que, c'est connu Eli, c'est pas en faisant l'autruche qu'on règle les problèmes.

Ma voix est tendue, ma gorge serrée et je tâche de garder un minimum contenance. Ne pas exploser. Ca n'arrangera rien.
- Et oui (petite inspiration pour tenter d'élimer un peu cette sensation d'oppression dans ma poitrine) t'as grave merdé.

Ca me ressemble pas de parler aussi vertement. Toutefois, les gens qui me connaissent bien savent que je suis tout à fait capable de monter au créneau lorsqu'il s'agit de sujets qui me touchent. Et là, la situation n'est pas juste et touche pleins de monde. C'était pas juste une « dispute » entre deux élèves.
- Mais pour être juste, Eli, y'a pas que toi qu'a merdé. Aly aussi. Vous deux, en fait. Mais le truc qui m'énerve le plus, c'est que tu es mon amie, que je suis là. Devant toi. Que je te demande d'en parler car c'est pas possible de passer à côté et tu me rejettes encore une fois. En mode « y'a rien à ajouter ». Ben si, Eli. Y'en a un paquet de choses à rajouter.

Éli avait espéré un instant que son amie abandonne les charges qu'elle avait, à raison contre elle, et qu'elle passe à autre chose sans remuer la bouse de dragon, mais vu le ton qu'elle employa, il était clair que Constance en avait décidé autrement. Elle était en colère, déçu peut être même, comme Mister O'Belt, décidément Éli ne faisait que ça, décevoir. Mais les mots de son amie, aussi piquants soient ils, était juste. Elle avait raison, même si Éli n'avait vraiment aucune envie de se justifier maintenant, ni de poser les choses sur ce qu'elle avait fait. La jeune fille ne voulait pas minimiser, mais elle voulait oublier oui ça c'était vrai, elle voulait oublier qu'elle avait été une amie médiocre depuis le début d'année, une amie méchante parfois même, mais comment expliquer à Constance ce qu'elle avait tant de mal à comprendre elle même.

La tête basse, Éli accusa le coup de toutes ses remarques avec tristesse et honte, relevant la tête un peu penaude lorsque Constance finit par avouer qu'elle n'était pas la seule qui avait merdé. Elle posa ses yeux dans les siens, et cette fois elle la vit vraiment, cette pointe de déception dans son regard, le pire, c'est qu'elle ne lui reprochait même plus vraiment ce qu'elle avait fait dans les souterrains, mais plus son refus de lui parler maintenant. Éli avait bien trop perdu ces derniers temps, il était hors de question qu'elle perde son amitié avec Constance, elle allait devoir se forcer à parler, à vider son sac sans fond, et elle n'avait aucune idée sur la manière de faire.

- j'te rejette pas, dis pas ça s'teu plait. je sais qu'y a plein d'trucs à dire c'est pas ça...c'est juste que... je sais pas quoi te dire en fait... je sais pas vraiment pourquoi j'ai fait ça, je sais pas pourquoi j'ai cette colère en moi, je sais plus c'que j'fais en c'moment, ni avec Aly ni avec personne. Je fais des conneries avec tout l'monde et je regrette après, mais j'l'ai fait quand meme. Avec Aly c'est comme, plus fort que moi, elle m'énerve et j'arrive pas a n'pas répondre. J'savais pas pour le lac, que ça l'avait autant perturbé...c'était qu'une blague, et depuis tout à ....dégénéré. Pour Lily oui ok, j'ai abusé, mais j'étais vraiment vraiment énervé, c'est sorti tout seul. J'irais m'excuser. Pour le reste je sais pas c'que j'peux te dire d'autres, j'suis aussi énervée de moi même que toi, j'suis désolé. Vraiment... tu crois qu'tu pourras encore m'pardonner ? J'veux pas être comme ça, tu sais...j'arrive juste pas à être autrement.

La gorge si serrée qu'elle me fait mal, la poitrine comprimée, je laisse les mots sortir, déversant ma colère teintée de déception. La vérité, rien que la vérité. Je vois son visage qui se pare d'un air penaud, ses yeux qui se baissent comme si elle se sentait honteuse, comme si je la réprimandais... puis finalement qui se relèvent pour se planter dans les miens.
Et bien que je ne veuille nullement la blesser, j'ai besoin qu'elle sache ce que je pense, j'ai besoin qu'elle comprenne et qu'elle réagisse.

- J'te rejette pas, dis pas ça s'teu plait. je sais qu'y a plein d'trucs à dire c'est pas ça...c'est juste que... je sais pas quoi te dire en fait...

Mes lèvres se pincent, et gardant toujours mon regard vrillé au sien, le coeur battant de ce trop-plein d'émotions qui me submerge, je secoue lentement la tête de gauche à droite. Tu m'rejettes pas ? Et tu faisais quoi y'a trente secondes ? Et dans le hall tout à l'heure ? Et dans les souterrains quand tu m'as ignoré alors que j'essayais de calmer le jeu ? Tu m'rejettes pas Eli ? T'es sûre de toi en disant ça ? Et tu sais pas quoi dire ? Sérieux ?

Les mots s'écoulent alors de ses lèvres, tel un filet d'eau qui se transforme au fil des gouttes en petite cascade. Une petite cascade d'incertitude, de dépit, de rancœur et de culpabilité.

Plus elle parle et plus la petite partie de moi qui est si triste de cette situation s'étreint comme on essore une éponge et je sens la culpabilité menacer de m'engloutir. Suis-je allée trop loin ?
Non. Elle-même le reconnaît : elle enchaîne depuis le début d'année. Entre cette histoire de feux d'artifices sur le lac - qui en vérité, était bon enfant et qui a dégénéré mais bon, c'était pas prévu - cette histoire avec Klee dont elle aurait prit part, toute l'histoire avec Redose et le fait qu'elle ait "trompé" Gideon... maintenant ça avec Alyssa, ça commence à faire. Beaucoup.

Et le pire, c'est que je sais, que je la crois quand elle dit qu'elle perd le contrôle mais que c'est plus fort qu'elle. Mais en même temps... on n'est plus des enfants, on est capable d'analyser les choses et faire en sorte de s'améliorer pour ne pas reproduire des situations négatives, encore et encore. Mais le veut-elle vraiment ? Pis, la question est : veut-elle vraiment de mon aide ? Me considère-t-elle vraiment comme moi je la considère ? C'est-à-dire une amie importante, ici à Poudlard comme dans notre vie en général.
Parce que c'est le cas pour moi. De prime abord, j'ai confiance en elle. Au point où je lui ai présenté Johann et Michael, où je lui ai confié pour Judith en première. Deux points très importants pour moi. Elle n'est pas juste une camarade avec qui je m'entend trop bien. De fait, son attitude répétée de rejet m'a blessé, vraiment. Me remettant en question sur la réciprocité de nos sentiments l'une envers l'autre. Cela s'ajoutant bien sûr à l'incompréhension de sa propension à merder dans les grandes largeurs.

- Pour le reste je sais pas c'que j'peux te dire d'autres, j'suis aussi énervée de moi même que toi, j'suis désolé. Vraiment... tu crois qu'tu pourras encore m'pardonner ? J'veux pas être comme ça, tu sais...j'arrive juste pas à être autrement.

Croisant les bras sur ma poitrine encore plus fort, j'exhale l'air que j'avais retenu dans mes poumons durant son monologue, me rendant compte que j'avais retenu ma respiration. Je déglutis et détourne le regard, sentant la tristesse me brûler la gorge.
J'ai envie de la croire mais où tout ceci nous mène ?

- J'ai envie de te pardonner Eli, commençais-je d'une petite voix, sous l'emprise de l'émotion. J'te promet. Faut juste que tu comprennes que... que... Souffle Constance, souffle, respire. Tu dis que tu me rejette pas et pourtant c'est ce que tu as fait et plusieurs fois : dans les souterrains, puis dans le hall puis ici jusqu'à... (expire) ce que finalement tu finis par me parler. Faut qu'tu comprennes qu'tu me blesses vraiment quand tu fais ça. Je... j'fini par me demander si tu me considère vraiment comme... comme je te considère toi.

Je renifle et détourne une fois de plus le regard, essayant d'attraper visuellement quelque chose à me raccrocher, n'importe quoi pour garder contenance et battre cette soudaine envie de pleurer.
- Et tu... tu dis que tu veux pas être comme ça, que t'y arrive juste pas. Mais... mais... mais si tu veux vraiment, alors tu peux.
C'est trop facile de dire qu'on y arrive pas quand on essaie si peu.
Je n'arrive plus à dire quoi que ça d'autre, je suis juste trop bouleversée et si je continue, je risque d'imploser ou pire : exploser.

Les mots de Constance tombèrent et vinrent directement disloquer le cœur d'Éli en mille éclats. En-dehors de tout ce qu'elle avait fait, de tous les torts qu'elle reconnaissait volontiers, elle ne pouvait pas la laisser douter de leur amitié !!!

- bien sûr que j'te considère comme l'une de mes meilleures amies !!! C'est justement pour ça qu'j'ai tellement honte de t'décevoir, et c'est pour ça que j'm isole de toi quand j'fais une connerie, mais pas pour te rejeter, juste pour me cacher moi ! J'te promets ! Si tu n'comptais pas pour moi...j'en aurais rien a faire de te décevoir ! Pourtant, là, ça m'fait trop mal de voir que tout ça te rend triste, et qu'c'est complètement d'ma faute.

Le regard fuyant de Constance inquiétait de plus en plus Éli qui voyait là une manière pour son amie de fuir leur lien, une façon de la préparer à entendre les mots durs et sans appel qu'elle comptait laisser tomber juste après. Pour la jeune fille paniquée, c'était comme si Constance était en train de la préparer à la fin d'une amitié qui n'avait pas réussi à se réparer sans faire de dégâts irréversibles. Constance ! S'te plais... Son ton était faible mais suppliant, tout dans son intonation était à la mesure de la douleur qu'elle ressentait à cet instant.

-Ok, oui t'as raison, j'ai pas beaucoup essayé, et oui t'as raison, j'ai des sentiments pour Redose et c'est méga dur de renoncer à ça, meme si j'aime Gideon plus que tout et que j'me trouve horrible, et oui j'ai fait que d'la merde avec Aly mais elle m'a fait du mal aussi en gardant tout pour elle comme ça, en me mettant à l'écart, en me jugeant sans meme savoir, et j'ai pas réussi à gérer ça autrement, au milieu de tout c'bordel j'ai pété les plombs, ok....mais j'ai pas envie de perdre tous ceux qu'j'aime à cause de ça ! J'veux pas t'perdre C... j'vais vraiment essayer d'changer, vraiment, mais j'peux pas t'promettre que tout s'ra parfait, j'le suis pas, et j'veux plus t'mentir...

Je me sens tellement mal en cet instant. Tellement. Je suis comme un vieux linge essoré mais qui magiquement se retrouve engorgé d'eau à peine est-il essoré. Le regard fuyant celui d'Eli, les bras croisés sur ma poitrine, je me sens comme bloquée sur place, mes pieds s'enlisant dans le sol.

Mes mots ne semblent pas avoir ricoché sur Eli mais bien avoir pénétré la carapace qu'elle a pu me montrer un peu plus tôt. Furtivement, je lui coule un regard attristé lorsque, d'un ton implorant, elle me jure que je me fais des idées sur ce qu'elle peut ressentir pour moi et qu'elle me considère vraiment comme l'une de ses meilleures amies. Mine de rien, cette nouvelle prononcée à voix haute déclenche une grosse grosse vague d'émotions dans mon petit être et je sens les larmes monter à la lisière de mes yeux. Pinçant les lèvres pour endiguer ce trop-plein d'émotions, je détourne le regard une nouvelle fois en m'exhortant mentalement à contenir tout ça.

On pleure pas, on pleure pas.
- Pourtant, là, ça m'fait trop mal de voir que tout ça te rend triste, et qu'c'est complètement d'ma faute.

Mais non, dis pas ça Eli. Enfin... oui... enfin... non... Rooh je sais plus.
Bref regard de nouveau dans sa direction pour aviser ses traits sincères qui m'étreint de nouveau le coeur. Je la crois. Vraiment. Et bien qu'une partie de moi est soulagée d'entendre tout cela, que j'ai envie de la prendre dans mes bras, une autre partie de moi se dit "ouais mais après, ça ne change pas le fait qu'on se retrouve dans cette situation."

Alors, je n'arrive pas à soutenir son regard : bien que mon coeur ordonne à mes lèvres de lui adresser un petit sourire de soulagement, mon cerveau qui turbine réussit à garder le cap.

Mon prénom s'échappe alors de ses lèvres sur un ton qui m'est douloureux et je reviens automatiquement me concentrer sur son visage et ses yeux.
Ma lèvre tremblote et je peine à garder contenance.
Les paroles qui suivent me cueillent et je l'écoute avec une attention accrue. J'ai tellement envie de la croire et le fait qu'elle ose dire les mots, avouer qu'elle a merdé, qu'elle s'en veut, qu'elle regrette et surtout qu'elle ne veut pas perdre mon amitié... c'est comme la goutte de trop.

Les larmes perlent alors et coulent silencieusement sur mes joues. Je suis nulle, j'arrive pas à garder le contrôle.
Aussitôt je m'avance, saisissant avec urgence - bien qu'une brève hésitation - ses mains :
- Ce que tu sembles pas comprendre Eli, c'est que malgré que tu m'ai blessé, malgré tout... tout ça ! Ben, je... je suis ton amie et tu comptes pour moi... Et... et... je... Tu n'as pas perdu mon amitié et tu ne la perdras pas. C'est juste que tu m'as vraiment blessé en me rejetant et j'arrive plus trop à suivre le rythme et... et... j'ai beau essayer de t'aider - j'pense à l'affaire Redose par exemple - c'est comme si... je... (j'essuie avec agacement les larmes qui maculent mes joues) - rrahhh ça m'saoule, pourquoi j'pleure comme ça, là ! - Qu'est-c'que j'disais ? Ah oui (expire) j'ai envie de te croire, Eli, vraiment, mais faut trouver un truc pour vraiment changer la situation.

Je souffle, la gorge aussi serrée que l'embouchure d'un encrier, je me sens tellement vidée en cet instant, alors que mon cerveau turbine fort, trop fort pour moi que ça me donne mal à la tête.
- Tu dis qu't'es pas parfaite, mais moi non plus en fait ! Mais à défaut d'être parfait, on peut faire de notre mieux. Et si je peux pas t'aider, p't'être que... j'sais pas... p't'être que tu devrais aller voir Miss Vermillon. P't'être que ses conseils pourront mieux t'aider. Parce que là, on a atteint un point... où ça va trop loin. Et pour Alyssa, je pense que l'intervention de quelqu'un d'extérieur - comme Miss Vermillon - pourra aider, car c'est son job d'aider les autres. Et... et... elle saura mieux trouver les mots. Mais j't'abandonne pas Eli. Tu m'entends ? C'est juste que ça devient un peu beaucoup pour moi. Et que tout ça, ça m'a blessé. Mais j'entend que t'es désolée, et moi aussi je le suis, conclus-je en hochant la tête, mes prunelles plongées dans les siennes.

Léger, mince, sourire mal à l'aise. J'ai besoin de plus que des excuses. J'ai besoin de voir que tout ça, c'est pas que des mots. Je veux retrouver la Eli d'avant.

Voir son amie en pleure devant elle resserra le cœur d'Éli encore plus, comment en étaient-elle arrivé là, tout aller si bien avant ! Étrangement, le contact des mains de Constance sur les siennes ajouta encore de la tension à cette situation malaisante, remplie de tristesse et d'incompréhension. Mais la profondeur de ses mots, et sa sincérité lorsqu'elle lui renouvela son amitié à haute voix, vint mettre un pansement de douceur sur les plaies ouvertes d'Éli.

Le soulagement de ne pas avoir perdu leur lien, de ne pas l'avoir brisé totalement par ses bêtises, fut malgré tout très fugace. Elle ne l'avait pas perdue, mais tout chez Constance lui laissait croire que cette fêlure, cette cassure qu'elle venait de mettre sur la table, laissait entrevoir qu'une simple remise à zéro ne suffirais pas cette fois. Cette plaie marquerait assurément leur amitié par des cicatrices bien plus profondes que celles inscrites sur le visage d'Éli. Son amie n'arrivait plus à la suivre, et le problème semblait loin d'être unique, il y avait Aly, mais il y avait tout le reste, un reste bien trop lourd, bien trop incompréhensible, bien trop chargé de zones d'ombre pour Constance.

L'affaire Redose carrément !!! C'est comme ça qu'elle l'appelait. Le garçon, qui hantait les rêves cauchemardesques et incessants d'Éli, et qui venait rendre ses journées bien plus difficiles à traverser, semblait prendre beaucoup trop d'espace de façon négative pour Constance. Elle savait très bien que son amie ne voulait que son bien, et que toute cette crainte envers le gryffon était justifié, mais l'entendre ressortir ce dossier tendancieux rendit Éli très mal. Non, elle n'avait pas suivi les conseils avisés de son amie lorsqu'il en était encore temps, et oui, maintenant c'était bien trop tard.

Ses larmes coulaient tellement que Constance s'énerva elle-même de leur flot sur ses joues, les balayant d'une main comme pour abolir leur présence dérangeante. Une fois partiellement débarrassée des preuves de son chagrin, de nouveaux mots, se voulant constructifs tombèrent.
Trouver un truc pour vraiment changer la situation ? Mais quoi ?
Éli chercha en elle des réponses, des propositions, sans succès. Avait elle seulement envie de VRAIMENT changer la situation ? Oui, pour constance elle voulait changer ! Elle ne voulait pas la perdre, mais changer quoi ? Est ce qu'elle devait changer son attitude colérique seulement, ou est ce que son amie lui demandait à demi-mots de ne plus rien ressentir pour Red' ? Bien sûr qu'elle lui demandait...

Constance ne fuyait plus son regard, Éli pouvait voir la sincérité à travers ses iris plongés dans les siens. Anxieuse, la Poufsouffle l'écouta jusqu'à la toute fin, fermant les yeux sur ces paroles, les jambes tremblantes de nervosité, les mains moites, elle finit par oser soutenir de nouveau le regard de son amie. À la place d'une réponse qu'elle n'avait pas encore trouvée, la jeune fille lâcha ses interrogations telles quelles, en espérant que Constance l'aide, encore.

- qu'est c'qui faut qu'je fasse ? J'vois Miss Vermillon mercredi prochain comme dab', j'te promets que j'lui en parlerais, mais dis moi, qu'est ce qu'il faut qu'je fasse d'autre pour qu'tout r'devienne comme avant entre nous ? Cette fois, les larmes d'Éli coulèrent à leurs tour, doucement sur ses joues, submergée par l'émotion d'avoir vu celles de son amie, par cette impression de ne pas réussir à la convaincre complètement, et par la sensation qu'elle l'avait déjà peut-être un peu perdu malgré tout.

N'attendant pas sa réponse, trop stressée d'entendre ce qu'elle allait lui dire, elle se leva et avança de quelques pas fébriles. Debout dos à elle, elle posa ses mains sur son visage pour y lâcher le reste de ses sanglots, cachant en meme temps son visage écorché et détrempé.