Le Soleil inonde le parc de lumière, depuis qu'il s'est levé, ce matin. Ses rayons, agréables et chauds, se promènent doucement sur le rebord de ma fenêtre. Nous ne sommes qu'en avril, et les derniers jours ont été assez nuageux, mais aujourd'hui, l'astre solaire s'est enfin réveillé et il illumine toute l'île de Poudlard, des poissons du lac jusqu'aux rameaux des arbres qui commencent à bourgeonner. Ostara, la fête du printemps, cette célébration qui honore plantes et nature -à vrai dire, ce que je préfère, ou plutôt ce que je préférais à cette fête, c'était courir après le chocolat bondissant, bien plus marrant que de cueillir des pousses vertes-, a réellement achevé l'hiver et laissé place au beau temps. Du moins, aujourd'hui. Hier, il faisait froid et d'épais nuages voilaient le ciel. Mais jeudi, avant-hier, j'ai bien aimé l'esprit farceur qui s'est emparé de Poudlard ; quelques blagues de temps en temps, ça ne fait pas de mal !

Mais ce n'est pas pour ces couleurs-là que j'ai décidé de sortir aujourd'hui. Tout en haut de ma tour, telle une princesse enfermée dans son château, j'ai pu observer le parc se remplir peu à peu d'élèves, que le printemps et les beaux jours attirent. Moi, j'aime l'hiver, j'aime le froid, bien plus que la sensation de brûler sous le soleil, mais j'aime par dessus tout découvrir mes bras, les laisser à l'air, les laisser respirer. C'est agréable, de sentir sa peau caressée par le vent.
J'ai quelques copies encore à corriger, qui attendront sagement dans mon bureau que je revienne m'intéresser à elles ; pour le moment, j'ai simplement envie d'aller prendre l'air, de sentir le vent frais du printemps se prendre dans mes cheveux, dans mes vêtements, dans tout mon corps. Un petit carnet à la main, quatre crayons colorés -de rouge, de bleu, de jaune et de violet-, je dévale les escaliers, sortant un peu le nez du travail.

Après quelques minutes à marcher vivement dans les couloirs, à tourner à droite, à gauche et puis encore à droite, j'arrive dans le parc. Je m'assieds alors au soleil, adossée à un arbre, et je prends mon petit carnet, ainsi que mes crayons. Je regarde rapidement autour de moi, choisis quelqu'un pour me servir de "modèle" et je commence à dessiner, avec les couleurs primaires que j'ai à ma disposition -ainsi que mon crayon préféré, le violet. J'aime bien faire des dessins sans trop de couleurs, pour éviter de trop les surcharger. Quelques coups de crayons par ci, et mon esquisse commence à prendre forme. Ca faisait longtemps que je n'avais pas dessiné ainsi. Il faut dire que mon dernier printemps, je l'ai passé au Nord de la Suède et... il ne faisait pas bien chaud.

Sérieux, qui aimait la chaleur ? Personne, pas vrai ?

Narcisse déplorait le retour des beaux jours, même si, évidemment, il adorait les fleurs, l'herbe verte, les feuilles dans les arbres, le vent et le soleil, il n'aimait pas avoir chaud. Oui, mais il suait quand il s'entraînait, pas vrai ? Mais RIEN A VOIR, en fait. Genre, suer pendant l'effort, c'était agréable ! Bondir sous la douche après, et ressortir tout de frais, c'était le pied !

Mais bon, c'était la vie...

Et puis au moins, comme c'était le week-end, il pouvait sortir du château sans avoir à se traîner cette insupportable robe de sorcier ! Il l'aimait bien, mais qu'est-ce qu'elle pouvait devenir inconfortable en été. Donc, aujourd'hui, c'était basket, short, et son t-shirt de compression préféré ! Le noir, évidemment. L'air sentait bon, l'odeur de l'eau, provenant du lac non loin de là, parfumait les alentours, avec les hautes herbes et les fleurs qui l'entouraient. Où est-ce qu'il pouvait aller... Ah, mais oui, bien sûr, les arbres ! Maintenant que les feuilles étaient revenues, pensa-t-il en grimpant, il pouvait s'y tenir parfaitement dissimulé et observer le monde d'en haut ! C'était un sacré kiff, un grand frisson inexplicable.

Et... il s'endormit. Bah oui, vous vous attendiez à quoi de sa part ? Et évidemment, il n'avait même pas pris une position normale pour dormir ! Affalé contre le tronc, sur une grosse branche, les jambes et les bras pendant dans le vide, ballotés par le vent délicat, il aurait pu rester là toute la journée. Enfin, c'est ce qui serait arrivé, s'il n'avait pas manqué de se casser la figure en se tournant dans son sommeil.

La chute. Il ouvrit un oeil, sans paniquer davantage que ça, sentant sa tête basculer vers le bas, là où elle n'était pas censée être. Heureusement, les arbres et lui, c'était une belle histoire d'amour. Et ses réflexes étaient au top. Ses jambes agrippèrent la branche, le retenant au dernier moment, laissant sa tête brusquement choir, face à une silhouette qu'il distinguait à peine, ses yeux encore ensommeillés.

Il piaffa doucement en se réveillant, profitant de la stabilité nouvelle de sa position, ignorant les feuilles qui tombaient encore autour de lui. Il se frotta la paupière, bâilla un bon coup, avant de s'étirer en plissant les yeux.

"Mh..."

Qui c'était celle-là ? Oh, il la connaissait, il croyait ? C'était une prof, non ? Il bascula la tête dans l'autre sens pour la voir à l'endroit, en se contorsionnant comme si de rien n'était, avant que son regard ne soit attiré par le carnet de dessins. Et là, son sourire fendit son visage en deux.

"Oooooh !! Vous dessinez ?! Purée, c'est trop bien fait ! C'est qui, j'crois qu'j'le connais..."

La joie avait emportée au loin toute convention sociale, et il ne pensa même pas à la saluer, hypnotisé par l’œuvre d'art sous ses yeux.

Concentrée sur les traits que je trace sur mon petit carnet à dessin, je sursaute quand, soudainement, l'arbre perd ses feuilles et... un gamin. Juste sous mon nez, un enfant fait le cochon pendu, la tête en bas et les pieds en l'air. Qu'est-ce qu'il fabrique ici ? Il va se faire mal, par Merlin ! Et s'il tombe ? Je ne tiens pas à devoir faire un tour à l'hôpital aujourd'hui... "Descendez de là, vous voulez bien, je n'ai pas envie de vous emmener à Sainte-Mangouste" lui dis-je, bien qu'il ait l'air à l'aise agrippé comme il l'est à sa branche d'arbre. A son âge, je faisais la même chose : je me souviens de mes mains écorchées par les troncs d'arbre, de Maman qui me grondait à chaque fois et me disait d'arrêter de grimper ainsi. Mais c'était trop bien, de pouvoir prendre de la hauteur, de pouvoir voir notre jardin à Aberdeen de haut ! Et puis, Maia, ma sœur, m'accompagnait tout le temps ; c'était sans doute les seules fois où elle désobéissait aux parents. Tandis que les souvenirs affluent, je les repousse gentiment et je ramasse le crayon de couleur qui m'a glissé entre les doigts quelques instants auparavant, quand le gamin est tombé sous mon nez.

- Ca fait longtemps que je n'avais pas dessiné mais j'en fait un peu quand j'ai le temps oui, je lui réponds avec un sourire, son enthousiasme déteignant sur moi. "C'est la personne là-bas" continué-je, en désignant du menton la jeune garçon que j'avais pris pour modèle. Il était loin d'être immobile lorsque j'ai tracé les premières courbes, et le dessiner s'est révélé être un défi un peu plus complexe que je ne le pensais aux premiers abords, mais j'ai réussi à m'en dépatouiller raisonnablement bien -bien que je ne sois pas convaincue par tous les traits que j'ai fait, certains brouillant simplement le dessin. Les couleurs en revanche que j'ai mises ne sont pas tout à fait réalistes -ses cheveux sont violets-, mais cela m'est égal : je préfère faire mes dessins en couleur qu'en noir et blanc, même si je n'ai pas tout le matériel nécessaire pour faire exactement les bonnes teintes.

Totalement interrompu par l'injonction de la professeure, Narcisse ne put retenir la crispation de son visage et l'éclat de voix qui s'échappa de lui.

"Hi !"

Une petite panique s'empara de lui et monta dans sa poitrine, il devait descendre, et vite ! Viiite !

"Oui oui, euh, tout d'suite pardon !"

L'instant d'après, il décrocha ses jambes de la branche, se laissant retomber sur ses mains, tenant en poirier une courte seconde. Avant de se laisser basculer vers l'arrière pour promptement sur ses pieds en se projetant avec ses bras. Il retomba souplement, bien droit, les bras écartés, avant de lancer un grand sourire à sa professeure.

Puis, il revint à lui-même, et se racla la gorge en se redressant maladroitement, le haut de son visage s'empourprant de rouge en une seconde. Fort heureusement, cette dernière ne s'étendit pas sur les réprimandes, et après avoir ramassé son crayon, que suivit Narcisse des yeux, il ouvrit grand les paupières en se tournant.

"Qui ? Là-bas ??"

Aucune discrétion, aucun tact, aucune hésitation, il se tourna presque entièrement, la main sur le front, en casquette. Il laissa échapper une grande exclamation admirative.

"Ooooh, purée mais elle lui ressemble trop ! Vous dessinez trop trop bien !"

Il retourna son regard à la professeure trop rapidement pour avoir le temps de retirer sa main, et la vision ridicule de Narcisse dissimulant ses yeux du soleil s'offrit à la professeure. Sans se poser davantage de questions, il s'assit en tailleur face à elle, un sourire jusqu'aux oreilles.

"Vous dessinez d'puis longtemps ?!"

L'admiration se lisait au fond de ses pupilles noires, et l'excitation débordait de chacune de ses pores.