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15 avr. 2024, 12:12
La peur a ton visage  PV 
RUBY, 15 ans
21 mars 2049 14h33
Salle d'entraînement, Premier étage, Poudlard


[spectre]

•••

La salle de Défense contre les Forces du Mal éveille en moi des souvenirs doux-amers. J'aime furieusement cette matière mais mes progrès, mes euphories et mes fiertés sont inévitablement liés aux épuisements, aux fiascos passés et à tout un tas de sacrifices. Il ne m'est pas pénible de les évoquer, seulement un peu frustrant ; j'aurais aimé pouvoir réussir d'emblée tout ce que j'entreprenais. Mais l'apprentissage n'a rien d'un long fleuve tranquille, et je m'accroche à mes ambitions pour persévérer.

Je me souviens très bien de ce matin de novembre, deux ans plus tôt, où ma peur avait comparu devant mes yeux. Éclatant au grand jour, sans une once de pudeur. Qui aurait cru que ma plus grande peur n'était autre que moi-même ? Prendre les mauvaises décisions, échouer au jeu de la vie et devoir en assumer la pleine responsabilité, n'est-ce pas la plus terrifiante des promesses d'avenir ? N'est-ce pas une perspective digne de vous dégoûter de l'existence ? J'ai la curieuse impression d'être la seule à le penser. Je n'ai que de vagues souvenirs des épouvantards des autres, tous ces élèves qui se trouvaient dans la classe et qui furent eux aussi forcés de se confronter à l'effroi. Je me rappelle de créatures, d'humains aussi. Rien que des mauvais présages qui avaient laissé une trace douloureuse dans l'esprit de chacun d'entre nous.
Depuis ce matin de novembre, la vie a repris son cours ; j'en ai pris, des décisions, j'ai joué ma partition et j'en suis ressortie indemne, ou presque. Se laisser immobiliser par le trac n'aurait servi à rien : le temps s'est écoulé de toute manière. Pourtant, je ne peux m'empêcher de sentir un tiraillement au creux de mon ventre, une sorte de malaise éveillé par la vision de l'armoire, à quelques pas de l'endroit où je me trouve. Je sais pertinemment ce qu'elle renferme, et j'ai malgré tout la ferme intention de m'y confronter. Ah, je devrais avoir appris à ne pas redouter le futur et sa ribambelle d'inconnues, mais on n'échappe pas si facilement à la peur.

Après la leçon d'introduction à Riddikulus, mes tentatives renouvelées pour lancer ce sort avaient été bien laborieuses. Un pur face-à-face avec mon épouvantard m'avait déstabilisée bien plus que je ne l'aurais parié. Durant le cours, j'étais pourtant réticente à l'idée de dévoiler cette part de moi-même à tous ces gens qui ne m'étaient rien, mais il faut croire que le regard des adultes m'avait tout de même insufflé un regain de confiance. La présence de mon professeur, par-delà les murs de la salle, me revient en mémoire. Je suis heureuse qu'il ait accepté de me laisser m'entraîner ici et, par Merlin, je ne veux pas gâcher ce temps précieux en échouant une nouvelle fois, pitoyablement.
Est-ce une revanche que je viens chercher aujourd'hui ? On pourrait le penser. En vérité, je suis ici pour m'entraîner, inlassablement, comme à mon habitude, et peut-être aussi pour m'endurcir — mais je me garde bien de trop penser à cela.

D'un « Alohomora » désinvolte, qui n'est rien comparé à ce qui m'attend, je fends l'armoire d'un entrebâillement. Et j'attends de voir surgir celle qui a tout de moi, mais qui n'est que le spectre de mes frayeurs.

these violent delights have violent ends