Ça me tord l'estomac depuis des jours. C'était comme s'il était devenu un vieux torchon mouillé que l'on passe notre temps à essorer encore et encore jusqu'à ce que plus aucune goutte d'eau ne tombe sur le carrelage. Je n'avais pas réussi à manger ce matin, ni ce midi, cette sensation désagréable d'avoir un nœud dans la gorge qui bloque l'arrivée de nourriture et lui fait faire machine arrière.
Et en ce samedi matin, je ne parviens simplement pas à rester au château à ne rien faire. Je savais qu'il y aurait des moments comme celui-là où j'aimerais partir d'ici et ne jamais revenir où le manque de ma famille est si lourd qu'il en devient douloureux. Etre rentrée à Noël n'était peut-être pas une si bonne idée finalement. Pourtant, est-ce que j'aurais tenu presque un an sans voir mes parents, sans voir Axel ? Probablement pas. En grandissant, ce genre de manque s'atténuera sans doute mais pour l'instant, il m'empêche de respirer.

C'est à la Volière que je trouve refuge en ce début d'après-midi, parchemin, encrier et plume bien au chaud dans mon sac en bandoulière. J'aurais pu écrire cette lettre en amont, mais il m'était impossible de me concentrer pleinement dans le brouhaha incessant de la salle commune - qu'est-ce qu'ils peuvent être bruyants ces Gryffondor - et il n'était pas question de mettre un pied dans la bibliothèque un week-end. Il n'y avait qu'ici finalement et ça m'allait très bien.

Ce n'était pas le lieu le plus agréable ni le plus pratique, mais en m'installant sur les marches et en posant le parchemin sur les genoux ça devrait pouvoir le faire. Mes parents étaient habituée à mon côté désordonné et ne s'attendaient pas à recevoir une lettre parfaitement bien écrire. Merci pour moi.
Je reste quelques secondes devant le parchemin vierge, ne sachant pas réellement comment commencer. Tout ce que je sais, c'est que mon estomac est tellement noué que les larmes sortent toutes seules sans que je n'ai pu les retenir. Je ne pleure jamais ou très rarement et je n'ai pas pour habitude de m'en vanter.
Je les essuie rapidement du revers de la main et lève la tête vers le ciel pour ravaler les larmes qui veulent encore s'échapper. Puis les premiers mots viennent noircir le papier : Ecrire qu'ils me manquent sans les alarmer pour autant : c'est la mission que je me suis fixée aujourd'hui. Une fois la lettre partie, ça ira peut-être mieux.