Depuis plusieurs jours, Dorra ne pensait qu'à une seule chose, ce qu'elle pourrait offrir à son cousin avec sa prochaine lettre. Elle avait en effet reçu une nouvelle correspondance de Suisse d'Alex après un mois de leur dernier échange. Voir son écriture l'avait faite, comme toujours, sautiller partout comme une petite enfant à qui on offrait le plus beau des cadeaux. Pour la quatrième année, un mois sans nouvelles était une éternité, une éternité où elle n'avait pas lu ses mots plein d'amour, une éternité où elle n'avait pas ressenti l'excitation de lire ses histoires de dragons, une éternité où elle ne s'était pas sentie si heureuse, si aimée. Parmi tous ses cousins, Alex était le seul avec qui elle entretenait une si belle relation, le seul qui n'accordait aucune importance à ce qu'elle soit née d'une mère moldue. Au contraire, il lui disait toujours qu'elle avait de la chance de pouvoir comprendre et vivre dans les deux mondes, que c'était une force et non une faiblesse, la brune se demandait d'ailleurs souvent comment il pouvait être le fils de Killian et Isla.

Dorra avait aussi une tante en France qu'elle aimait beaucoup, mais les liens s'étaient distendus avec le temps, sans aucune raison. Peut-être qu'elle s'était laissée influencer par les autres membres de la famille ? Peut-être avait-elle fini par succomber à leur pression ? C'était la seule explication plausible à ce silence prolongé et à cette absence de visite depuis trois ans. Mais, la gryffondor ne voulait plus trop y penser, elle avait tiré un trait sur cette branche de sa famille, pour elle ce n'était qu'un arbre vénéneux pourri où il n'y avait que d'horribles sorciers, arrogants et perfides, sauf Alex bien sûr.

La jeune fille s'était donc bien couverte en ce samedi d'avril particulièrement froid, et avait pris place sous son arbre préféré à proximité du lac. Son cousin lui avait dit que Poudlard lui manquait, surtout ses extérieurs, et elle avait finalement eu l'idée de lui peindre la plus belle vue du parc à ses yeux. Pour avoir fait la majorité de ses dessins à cet endroit, elle savait exactement où elle serait la plus inspirée. Dorra connaissait par coeur chaque angle du parc, chaque frétillement de plante sous le vent, chaque scintillement d'un rayon de soleil timide qui oserait apparaitre pendant de furtives secondes entre les nuages, et surtout la lueur nacrée qui apparaitrai à la surface du lac, sous ce même rayon de soleil. Elle voulait capturer le plus de détails possibles, pour qu'Alex se sente emporté par son dessin, qu'il visualise parfaitement cet endroit où il avait passé sept années de sa vie, et peut-être qu'il remarquera des différences. Après tout, ca faisait bien plus d'une dizaine d'années qu'il avait quitté le château pour suivre ses études en magizoologie puis, s'envoler vers les montagnes suisses pour étudier les dragons.

Assise en tailleur, son pinceau entre ses doigts, sa palette de couleurs posée sur l'herbe, Dorra commenca par esquisser doucement un fond légèrement bleu clair et grisâtre, pour représenter le ciel d'Ecosse, qu'elle pourra par la suite retravailler pour faire ressortir les nuances du lac. Elle essaya d'être très fidèle à ce qu'elle voyait de ses yeux, retracant minutieusement chaque petit détail, et n'hésitait pas à oser des mélanges de couleurs audacieux pour apporter un peu plus de vie à son dessin. Et, après de longues heures où elle essayait de s'appliquer à la perfection, c'était d'ailleurs sa plus longue séance de dessin depuis qu'elle avait commencé cette activité, la gryffondor ressentit soudain une douleur sourde qui commenca à tirer dans le creux de son dos. Son corps commencait vraiment à ressentir les effets de cette intense concentration et il lui fallait prendre une petite pause. Dorra déposa alors son dessin sur l'herbe pour qu'il sèche un peu, et s'adossa contre le tronc de l'arbre. La brune ferma les yeux pour profiter de la douce caresse du vent sur sa peau, et laissa son esprit s'évader vers une musique qu'elle aimait beaucoup, et qu'elle commenca d'ailleurs à fredonner.